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Le Livre, tome II, p. 299-315

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 299.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 299 [315]. Source : Internet Archive.

papier manque-t-il ? elles prennent une carte, une épingle, même une épingle à cheveux. S’agit-il de livres rares ? le moindre bibelot les intéresse plus que toutes les premières éditions[299.1]. Elles préfèrent un bout de ruban à la plus exquise reliure. Ne leur confiez pas, en le retirant du rayon sacré qu’un bibliophile appelait « le reliquaire », un petit livre à faire pâlir de joie : elles l’ouvriraient en lui cassant

[II.315.299]
  1.  « Pourquoi les livres coûtent-ils si bon marché et les bibelots si cher ? C’est que les femmes adorent les bibelots et qu’elles ne s’intéressent pas aux livres. Le bibelot est décoratif, on le met dans son salon, on l’accroche aux murs ; tout le monde le remarque et s’extasie…. » (Adolphe Brisson, Portraits intimes, Un amateur de vieux livres [Xavier Marmier], p. 24.) « Une femme élégante et riche, une femme d’esprit, a noté Mme de Girardin, attend patiemment deux mois pour lire un roman de George Sand, et l’idée ne lui vient pas de l’acheter [elle préfère avoir recours aux cabinets de lecture] ; et, dans son élégante demeure, vous trouverez toutes les splendeurs imaginables…. Cependant il est une justice à rendre à nos jeunes élégantes : elles n’ont point de livres, c’est vrai, mais elles ont de superbes bibliothèques, des armoires de Boule d’un grand prix, auxquelles on a laissé, par respect, le nom menteur de bibliothèque. Mais ne craignez pas que ces belles armoires restent inutiles ; non, certes; on leur donne un très noble emploi ; voyez, dans celle-ci, les chapeaux, les bonnets et les turbans de Madame…. Au fond des plus petites armoires, sur les étagères, pas un livre non plus…. Vous trouvez des bergers en flacon, des chiens de porcelaine, des magots chinois…. Mais à quoi bon des livres ? O progrès ! Que voulez-vous ? les jeunes femmes ne lisent plus, et, chose plus terrible, hélas ! celles qui, par exception, lisent encore un peu … écrivent !! » Mme Émile de Girardin, le Vicomte de Launay, Lettres parisiennes, 16 décembre 1837, t. I, pp. 288-289; Paris, Calmann Lévy, 1878.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 278-302

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 278.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 278 [302]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 279.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 279 [303]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 280.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 280 [304]. Source : Internet Archive.

pastoral de Longus, Daphnis et Chloé, dans la traduction de P.-L. Courier : « Voilà encore un chef-d’œuvre que j’ai souvent lu et admiré, où l’on trouve l’intelligence, l’art, le goût poussés à leurs dernières limites, et qui fait un peu descendre le bon Virgile…. On fait bien de lire ce livre une fois tous les ans ; on y apprend toujours, et l’on ressent toujours toute fraîche l’impression de sa rare beauté[278.1]. »

Le savant helléniste et philologue Coray (1748-1833) recommençait chaque année, au premier de l’an, la lecture d’Homère et celle d’Hippo­crate[278.2].

Le législateur Sieyès (1748-1836) et l’idéologue Destutt de Tracy (1754-1836) « lisaient perpétuellement Voltaire : arrivés au dernier tome, ils reprenaient le premier et recom­mençaient[278.3] ».

Chateaubriand (1768-1748) a dit[278.4] : « Pascal et Bossuet[278.5], Molière et La Fontaine sont quatre hommes

[I.302.278]
  1.  Conversations recueillies par Eckermann, t. II. pp. 272 et 280.  ↩
  2.  Sainte-Beuve, les Cahiers de Sainte-Beuve, p. 199.  ↩
  3.  « On raconte que Sieyès et M. de Tracy lisaient perpétuellement Voltaire : quand la lecture était finie, ils recommençaient ; ils disaient l’un et l’autre que tous les principaux résultats étaient là. » (Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. II, p. 437. Voir aussi même tome, p. 184, n. 1.)  ↩
  4.  Génie du Christianisme, livre IV, chap. v, t. II, p. 40, n. 1. (Paris, Didot, 1865. In-18.)  ↩
  5.  Les mérites de Bossuet historien et philosophe, — jadis si surfait, aujourd’hui si en dehors de notre société démocratique et des idées modernes, si redondant et si creux, — ont été plus d’une fois contestés. Voir, entre autres, l’appréciation d’Émile de Labédollière et de Georges Avenel, dans leur édition des Œuvres complètes de Voltaire (t. II, p. 1 ; Paris, Journal le Siècle, 1867) : « Bossuet, prêtre et homme d’État, avait osé, dans son Discours sur l’histoire universelle, fabriquer une histoire selon son Église, selon sa politique, et toute à l’usage de la cour où il vivait et des princes qu’il éduquait ; il avait confisqué l’humanité entière à son profit et au leur ; il l’avait concentrée, emprisonnée dans Israël » ; etc. Mais on n’a rien écrit de plus topique, de plus catégorique et de plus net sur l’éloquent rhéteur, « l’aigle de Meaux », que cette lettre d’Ernest Renan à Alphonse Peyrat, datée de Paris, 8 avril 1856 (ap. Adolphe Brisson, Portraits intimes, pp. 100-102) : « Monsieur, je vous remercie bien vivement de vos beaux articles sur Bossuet, que j’ai reçus et lus avec le plus grand intérêt. Je vous félicite d’avoir osé attaquer avec tant de franchise et de vigueur une idole de l’admiration routinière. Les influences combinées du clergé, de l’Université et de la littérature rhétoricienne avaient élevé autour de Bossuet une sorte d’enceinte sacrée que vous percez avec autant d’audace que de bonheur. Pour ma part, la destruction de cette superstition-là (dans la mesure, bien entendu, où une superstition se détruit) a toujours été une de mes idées fixes. Vous venez de réaliser ce que j’aurais voulu faire, vingt fois mieux que je ne l’aurais fait : vos preuves sont décisives, et votre exposition pleine de force (et ?) d’habileté. J’attends avec impatience la seconde série d’articles où vous examinerez comme écrivain celui dont vous avez détruit le prestige comme homme. Montrez hardiment ce qu’il a fallu de naïveté et de confiance dans les rhéteurs pour accepter comme des chefs-d’œuvre un ouvrage aussi puéril que l’Histoire universelle, qui, de nos jours, mériterait à peine de figurer parmi les ouvrages destinés à un pensionnat de religieuses ; la Politique tirée de l’Écriture, ignoble parodie de la Bible au profit de Louis XIV, l’Histoire des variations, fondée tout entière sur un sophisme évident ; les écrits philosophiques, vrais cahiers de collège, sans aucune valeur ; les écrits sur l’Écriture sainte, pleins d’une exégèse arriérée, à une époque où une critique meilleure se faisait jour avec Richard Simon. Les persécutions suscitées par Bossuet à ce grand homme, si supérieur à son temps dans le domaine de la science sacrée, m’ont toujours semblé caractéristiques de l’esprit absolu et borné de l’Église gallicane et de la Sorbonne en particulier. Pour tout ce qui est de la méthode et du fond des connaissances, Bossuet n’est en réalité qu’un sorbonniste encroûté ; je ne crois pas exagérer en ne lui laissant absolument que le mérite d’orateur. Celui-là, il le possède à un haut degré ; s’il se fût contenté du rôle d’un Mascaron ou d’un Fléchier, on eût pu l’accepter comme le premier des maîtres en éloquence classique ; mais la prétention de résoudre avec de la rhétorique les plus graves problèmes de la religion, de la politique, de l’histoire, de la philosophie, est insoutenable. C’est en flattant les mauvaises tendances de l’esprit français, toujours séduit par la pompe du langage et par une prétendue apparence de sens commun, que Bossuet est arrivé chez nous à cette espèce de dictature intellectuelle que vous lui avez si victorieusement contestée. Recevez de nouveau, monsieur, mes félicitations pour votre acte de courage (je ne crois pas trop dire en employant ce mot), et croyez aux sentiments infiniment distingués avec lesquels je suis…. »  ↩