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Le Livre, tome II, p. 348-364

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 348.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 348 [364]. Source : Internet Archive.

son vieux maître de grammaire Convenevole (ou Convennole) da Prato, et que celui-ci, pour se procurer quelques ressources, mit en gage, mais sans jamais oser dire entre quelles mains. Malgré nombre de réclamations et quantité de recherches, le précieux manuscrit demeura introuvable, et fut perdu pour Pétrarque comme pour nous[348.1].

Parmi les emprunteurs peu enclins à restituer, on cite le moraliste Nicole (1625-1695) : « Il ne rendait pas très exactement les livres qu’il empruntait, écrit de lui Sainte-Beuve[348.2]. M. de Pontchâteau, qui tenait fort à ses livres[348.3], paraît s’en plaindre en un endroit de ses lettres : « N’en dites rien néanmoins, il faut savoir perdre. Mais il faut avouer ma faiblesse, je hais plus de perdre un livre qui ne vaudrait que dix sols, que dix pistoles. Cela est d’un petit esprit : aussi suis-je tel. »

Gœthe n’aimait pas non plus, prétend-on, rendre les ouvrages ou estampes qu’on lui prêtait, et c’est ainsi qu’il a su, jusqu’à ses derniers jours, enrichir ses collections. « Emprunter et oublier longtemps

[II.364.348]
  1.  Cf. Ludovic Lalanne, op. cit., p. 227 ; et Fertiault, Drames et Cancans du livre, pp. 141-156.  ↩
  2.  Port-Royal, t. IV, p. 414, n. 1.  ↩
  3.  C’est ce M. de Pontchâteau qui « s’éveillait quelquefois avec ce mot de l’Imitation à la bouche : In omnibus requiem quæsivi, et nusquam inveni nisi in angulo cum libro : « J’ai cherché partout le repos, et je ne l’ai nulle part trouvé que dans un petit coin avec un petit livre. » (Sainte-Beuve, op. cit., t. V, p. 257.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 341-357

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 341.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 341 [357]. Source : Internet Archive.

« comme une tortue », et gardait indéfiniment son exemplaire de Zayde.

Joseph Scaliger (1540-1609) répondait tout net à ceux qui faisaient mine de lui emprunter un volume : Ite ad vendentes ! « Allez en acheter[341.1] ! »

Le peintre Daniel du Moustier (1575-1646 ?), prenant les devants, avait décoré « le bas de ses livres », la plinthe de sa bibliothèque, de cette fulminante inscription, vrai cri du cœur : « Que le diable emporte les emprunteurs de livres[341.2] ! »

Et comme on comprend bien ce sentiment de ter-

[II.357.341]
  1.  Jules Janin, l’Amour des livres, pp. 59-60.  ↩
  2.  Tallemant des Réaux, Historiettes, Du Moustier, t. III, p. 139. (Paris, Techener, 1862 ; 6 vol. in-18.) Au nombre des « non-prêteurs », citons encore, d’après M. Fertiault (les Amoureux du livre, p. 353) : le médecin italien Demetrio Canevari (1559-1625) ; Guillaume Colletet (1598-1659) et Guilbert de Pixérécourt (1773-1844), dont nous parlerons tout à l’heure ; le critique et philosophe Naigeon (1738-1810) ; le marquis de Morante (1808-1868), magistrat, sénateur et bibliophile espagnol ; Cigongne (?) [s’agirait-il de Charles Sigonio dit aussi Sigonius (vers 1520-1584), archéologue italien, un des créateurs de la science de la diplomatique ?] ; Gifanins (-) ; et J.-Thomas Aubry, curé de l’église Saint-Louis-en-l’Île (-). — « Un jour que Gaspard Schopp [Scioppius, célèbre philologue et grammairien allemand : 1576-1649] priait Gifanius de lui prêter un manuscrit de Symmaque, Gifanius lui fit celte réponse : « Me demander de prêter mon « Symmaque, monsieur ! mais c’est comme si l’on me demandait de prêter ma femme ! » Perinde est atque uxorem meam utendam postulare ! » (Émile Deschanel, A bâtons rompus, Quand on range sa bibliothèque, p. 132.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 335-351

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 335.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 335 [351]. Source : Internet Archive.

nomie[335.1], est d’avis, lui, qu’il ne faut blâmer ni ceux qui ne prêtent pas leurs livres, ni ceux qui les prêtent, et n’accuser ni les uns d’insouciance, ni les autres d’égoïsme.

Les « non prêteurs », au nombre desquels figure l’évêque d’Avranches Huet[335.2], ne sont pas moins convaincus et formels que les « prêteurs ». L’un d’eux, M. Jules Le Petit (1845-….), va même jusqu’à contester la bonne foi de ses adversaires, à déclarer qu’il ne croit pas « que Jean Grolier et ses imitateurs aient été sincères. Peut-être cependant, ajoute-t-il, les amis de ces hommes généreux étaient-ils appelés à l’immense satisfaction d’admirer de temps à autre, à travers des vitrines, les splendides reliures qu’ils faisaient exécuter. Dans ce cas, je comprends la portée de leurs devises, qui étaient, à vrai dire, tant soit peu hypocrites. Je le maintiens, les vrais amateurs ne prêtent pas leurs livres, même à des amis[335.3]. »

Voilà qui est net.

[II.351.335]
  1.  Page 71.  ↩
  2.  Cf. Fertiault, Drames et Cancans du livre, p. 264.  ↩
  3.  Jules Le Petit, l’Art d’aimer les livres, p. 5.  ↩

Le Livre, tome II, p. 334-350

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 334.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 334 [350]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 335.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 335 [351]. Source : Internet Archive.

bibliophile et ses sentiments d’obligeance, s’avisa de se créer deux bibliothèques : l’une, pour lui seul, composée d’éditions princeps et d’exemplaires rares ; l’autre, de volumes ordinaires ou de doubles, qu’il prêtait volontiers[334.1].

Au lieu de deux bibliothèques, le richissime bibliomane anglais Richard Heber (1775-1833) conseille d’en avoir trois, composées des mêmes livres : l’une pour la parade et la montre, l’autre pour son usage personnel, la troisième pour les emprunteurs, « pour prêter à ses amis, à ses risques et périls[334.2] ». Mais tout le monde ne possède pas, comme Richard Heber[334.3], l’emplacement suffisant ni la fortune nécessaire pour s’offrir le luxe de trois, voire de deux bibliothèques, renfermant les mêmes ouvrages en éditions différentes et diversement habillés.

Constantin[334.4], dans son petit manuel de Bibliothéco-

[II.350.334]
  1.  Cf. Gustave Brunet, Dictionnaire de bibliologie catholique, col. 517.  ↩
  2.  Octave Uzanne, Du prêt des livres, Miscellanées bibliographiques, t. I, p. 37.  ↩
  3.  Sur Richard Heber, voir supra, chap. xi, p. 250.  ↩
  4.  « Constantin, pseudonyme de Léopold-Auguste-Constantin Hesse, bibliographe français, né à Erfurth (Prusse) en 1779, mort à Paris en 1844. » (Lorenz, Catalogue général de la librairie française, t. I, p. 579.) Parmi les « prêteurs », M. Fertiault (les Amoureux du livre, pp. 352-353) mentionne encore les noms suivants, dont plusieurs ont été déjà cités par nous dans les pages qui précèdent : « Lucullus (109-57 av. J.-C.) ; Pline le Jeune (62-115) ; saint Isidore de Péluse (370-450) ; les de Thou ; Jacques-Auguste (1553-1617), et son fils François-Auguste (1607-1642) ; Antoine Possevin (Possevino, jésuite italien, 1534-1611) ; Étienne Baluze (1630-1718) ; le poète et historien italien Crescimbeni (1663-1728) ; d’Alembert (1717-1783) ; Francis Douce, antiquaire anglais (1757-1834) ; Nicolas de Nicolis (?) ; Gabriau de Riparfonds (?) ; Mathieu Guéroult (?).  ↩

Le Livre, tome II, p. 333-349

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 333.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 333 [349]. Source : Internet Archive.

(1683-1766) avait également pour devise : Thomas G. et amicorum[333.1].

Le bibliophile Jordan (1700-1745), de Berlin, ami de Frédéric le Grand, mettait aussi en tête de ses livres l’inscription : Jordani et amicorum[333.2].

De même, J. Gomez de la Cortina (….-….), dont plusieurs volumes se trouvent à la bibliothèque universitaire de Douai, faisait graver sur le plat de ses livres, au-dessus de ses armoiries : J. Gomez de la Cortina et amicorum, et au-dessous : Fallitur hora legendo[333.3].

Et Jacques Denyau (….-….) bibliophile angevin : Sum Jacobi Denyau et amicorum, non omnium[333.4].

De nos jours, le sénateur Victor Schœlcher (1804-1894) avait adopté cet ex-libris, bien autrement libéral que celui de Grolier : « Pour tous et pour moi[333.5] ». En vrai et magnanime philanthrope, il commençait la charité par autrui, par tout le monde, et se servait le dernier.

Un collectionneur du xviiie siècle, Randon de Boisset, désirant concilier sa jalouse passion de

[II.349.333]
  1.  F. Fertiault, op. cit., p. 353.  ↩
  2.  Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. VII, p. 486.  ↩
  3.  Jules Cousin, De l’organisationdes bibliothèques, p. 160, n. 1.  ↩
  4.  L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 juillet 1879, col. 390.  ↩
  5.  L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 juillet 1879, col. 401.  ↩

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