Mot-clé : « Wogan (Tanneguy de) »

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Le Livre, tome II, p. 205-221

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 205.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 205 [221]. Source : Internet Archive.

que, parmi ceux qui lisent beaucoup le journal, peu lisent autre chose, a très bien remarqué M. Tanneguy de Wogan, dans son Manuel des gens de lettres[205.1]. Et cependant aucune lecture n’est plus préjudiciable à l’habitude de l’attention soutenue que celle-là. Une des attractions de ce genre de lecture, pour la personne qui n’a reçu que peu ou pas d’entraînement mental, c’est qu’elle ne fixe jamais l’esprit sur un sujet quelconque pendant plus de trois ou quatre minutes à la fois, et que chaque sujet vient présenter un changement de scène complet. Il en résulte que le nombre des lecteurs du livre diminue graduellement et d’une manière continue chez toutes les nations civilisées. L’influence immédiate du livre sur la politique et sur la société diminue aussi proportionnellement. Les idées de l’auteur du livre ont à passer par le crible du journal avant de pouvoir exercer leur effet sur l’esprit populaire.

« En même temps que cette scission, cette ligne de démarcation entre celui qui lit les journaux et celui qui lit les livres, on voit le lecteur du livre se laisser envahir peu à peu par un mépris complet et profond pour l’homme qui, ne lisant que les journaux, puise dans cette lecture ses opinions et ses idées. Il en est de même en tous pays civilisés. Pénétrez dans une réunion quelconque de personnes instruites et d’un esprit cultivé, que ce soit en Amé-

[II.221.205]
  1.  Page 121.  ↩

Le Livre, tome II, p. 201-217

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 201.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 201 [217]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 202.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 202 [218]. Source : Internet Archive.

après avoir prédit qu’ « on tuera la presse comme on tue un peuple, en lui donnant la liberté, » il conclut : « Si la presse n’existait pas, il faudrait ne pas l’inventer[201.1] ».

Mais elle existe, et plus vivace et plus forte que jamais, de plus en plus puissante[201.2]. Pour quantité de gens, pour la grande majorité des lecteurs, il n’y a pas d’autre lecture que celle des journaux, — c’est-à-dire, en somme et d’ordinaire, la lecture de faits accidentels et fugitifs, de futiles contingences. « Lorsque, pendant quelques mois, observe Gœthe[201.3], on n’a pas lu les journaux, et qu’on les lit tous de suite en une fois, on voit alors combien on perd de temps avec ces papiers[201.4]. »

[II.201.217]
  1.  Monographie de la presse parisienne. (Balzac, Œuvres complètes, t. XXI, pp. 366, 434, et passim ; Paris, Lévy, 1870 ; in-8.)  ↩
  2.  Sur la puissance de la presse. L’omnipotence du journalisme, voir la lettre du 12 avril 1839 des Lettres parisiennes de Mme Émile de Girardin (1804-1855 : Le vicomte de Launay, t. I, pp. 324-325 ; Paris, Librairie nouvelle, 1856) : « … Ils (les flatteurs) ont porté leur hommage au dieu du jour, à celui qui donne la renommée, à celui qui consacre la vertu, à celui qui improvise le génie, à celui qui paye l’apostasie, à celui qui vend la popularité, au journalisme ! Et les journalistes ont pour flatteurs tout le monde : tous ceux qui écrivent, tous ceux qui parlent, tous ceux qui chantent, tous ceux qui dansent, tous ceux qui pleurent, tous ceux qui aiment, tous ceux qui haïssent, tous ceux qui vivent enfin ! Le journalisme ! Voilà votre roi, messieurs, et vous êtes tous ses courtisans. » Etc.  ↩
  3.  Conversations recueillies par Eckermann, trad. Délerot, t. II, p. 181.  ↩
  4.  « A l’instar de la presse américaine, on a commencé de donner, dans le journal, aux faits les plus insignifiants l’importance la plus démesurée. Des faits dont aucun journal n’aurait cru utile de parler, il y a dix ans, à cause de leur extrême banalité, occupent aujourd’hui, dans les colonnes de certains de nos quotidiens, une place première, considérable. Tel accident de voiture, qu’autrefois on n’aurait même pas mentionné ou qu’on eût raconté en trois lignes, fournit aujourd’hui un article tout entier. Remarquez quelle importance démesurée prend le moindre fait. Des centaines de journaux publient à la fois cet article ; ils le commentent, l’amplifient. Et, pendant une semaine souvent, il n’est pas question d’autre chose : ce sont, chaque matin, de nouveaux détails : les colonnes s’emplissent, chaque feuille tâche de pousser au tirage, s’évertuant à satisfaire davantage la curiosité de ses lecteurs. Le procédé que l’on emploie d’habitude pour grossir l’importance d’une nouvelle se réduit à des artifices typographiques, et il suffit de multiplier titres, sous-titres, alinéas et passages en gros caractères pour que quelques infiltrations d’eau, venues de la rivière voisine, à travers les murs lézardés d’une cave, prennent les proportions d’une inondation, et qu’une brouette renversée devienne une catastrophe comparable à un déraillement de chemin de fer. Une armée de reporters se tient en faction dans les gares, s’embusque jusque dans les corridors d’hôtel, ou se faufile dans les clubs à la mode, et, à défaut de personnages célèbres, interroge à outrance, avec rage, de malheureux excursionnistes à peine connus de l’agence Cook. Le même système de grossissement est appliqué aux dépêches, et de partout arrivent des télégrammes qui transforment le plus vulgaire fait divers en un drame tout hérissé d’émouvantes péripéties. Quel est le fauteur de ces niaiseries ainsi produites et qui sont si nuisibles à l’ordre et à la marche du journal ? Est-ce le journal ? Est-ce le public qui le lui demande ? Ils s’enfièvrent mutuellement, voilà ce qui reste de plus clair. » (Baron Tanneguy de Wogan, Manuel des gens de lettres, pp. 96-97.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 078-094

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 078.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 078 [094]. Source : Internet Archive.

que nous souscrivons aux considérations suivantes :

« … L’index analytique est absolument nécessaire aux ouvrages d’histoire et de science. Un index dont le besoin est urgent est celui de ce monument national qu’on appelle une Histoire de France. C’est ainsi que les grandes Histoires de France de Michelet et de Henri Martin sont dépourvues d’index[078.1], ce qui est vraiment une lacune impardonnable pour les éditeurs de ces grands ouvrages.

« Un savant allemand a été jusqu’à écrire : « Faire un ouvrage érudit, surtout un ouvrage philologique ou linguistique, sans un index très sûr pour trouver immédiatement un renseignement cherché, est un véritable assassinat littéraire. On se tue à fouiller dans les énormes volumes de Pott, un des plus grands investigateurs des langues indo-européennes[078.2]. Beaucoup pensent qu’il en a rendu compte à Dieu ![078.3] »

Un moyen, plus efficace que cette supposition comminatoire extraterrestre, de contraindre les

[II.094.078]
  1.  M. Tanneguy de Wogan commet ici une erreur flagrante : tout un volume de l’Histoire de France de Henri Martin, le tome XVII (Paris, Furne, 1865), est rempli par un index alphabétique et analytique qui ne comprend pas moins de 606 pages.  ↩
  2.  Aussi ne peut-on considérer que comme une hâblerie ou une plaisanterie ce mot de Jacques Cujas : Qui libris sine repertorio nescit uti nescit uti : « Qui ne sait se servir de livres sans répertoire ne sait s’en servir » (Ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 196.)  ↩
  3.  Baron Tanneguy de Wogan, op. cit., p. 294.  ↩

Le Livre, tome II, p. 077-093

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 077.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 077 [093]. Source : Internet Archive.

lettres ne se compose pas seulement des livres qu’il écrit et met au jour, mais de ceux qu’il lit ; elle est dans ses lectures, c’est-à-dire dans son instruction, dans sa culture intellectuelle et morale, aussi bien que dans ses propres ouvrages[077.1].

« Il ne suffit pas de lire beaucoup, même avec ordre et sélection, remarque, de son côté, le baron Tanneguy de Wogan (1850-….)[077.2], il faut encore tirer le meilleur profit de ses lectures, c’est-à-dire retenir le plus possible. La mémoire, si excellente qu’elle soit, ne peut conserver qu’une relativement faible portion de ce qu’on lui confie. Suppléez-y donc en prenant des notes, beaucoup de notes, chaque fois qu’un fait, une idée, une remarque vous frapperont, surtout quand le livre qui vous occupera ne présentera pour vos recherches ultérieures aucun point de repère, tel qu’un index alphabétique, par exemple, — et c’est malheureusement la majorité des cas, soit par négligence de l’auteur, soit que le genre du volume, poésie, roman, pièce de théâtre, etc., ne se prête pas au contenu de ce précieux auxiliaire. »

En plusieurs endroits de son Manuel des gens de lettres, le même écrivain insiste très vivement sur l’utilité, « l’absolue nécessité », des index à la fin des livres, et c’est avec une conviction non moins profonde, c’est avec le plus chaleureux empressement

[II.093.077]
  1.  Cf. Doudan, Lettres, t. I. p. 77.  ↩
  2.  Manuel des gens de lettres, p. 375.  ↩

Le Livre, tome I, p. 269-293

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 269.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 269 [293]. Source : Internet Archive.

neille. « Racine n’est pas mon homme, disait-elle, excepté dans Mithridate. » Rabelais et Scarron lui avaient plu autrefois, mais, en avançant en âge, elle les avait oubliés.

Kant (I724-1804) soutenait que, lorsqu’on est tourmenté par l’insomnie, il suffit le plus souvent de s’appliquer à écarter de son esprit toute idée importune, et de fixer son attention sur des choses indifférentes ou agréables ; il avait coutume, pour s’endormir, de se remémorer « la vie et les écrits de Cicéron, et cet exercice ne manquait jamais de le calmer[269.1] ».

La Harpe (1739-1803) tenait en la plus haute estime Massillon et Fénelon : « Si la raison elle-même, écrit-il, si cette faculté souveraine, émanée de l’intelligence éternelle, voulait apparaître aux hommes sous les traits les plus capables de la faire aimer, et leur parler le langage le plus persuasif, il faudrait qu’elle prit les traits et le langage de l’auteur du Petit Carème ou de celui de Télémaque ». Il divisait les principaux écrivains du xviiie siècle en trois classes : 1º les philosophes, en tête desquels il plaçait Fontenelle, Buffon, Montesquieu, d’Alembert et Condillac ; 2º les moralistes et les économistes : Vauvenargues et Duclos, Quesnay, Linguet, etc. ; 3º ceux qu’il nomme les sophistes, parmi lesquels il compte

[I.293.269]
  1.  Baron Tanneguy de Wogan, Manuel des gens de lettres, p. 463. (Paris, Didot, s. d.)  ↩