Tome IHistoriqueI. L’amour des livres et de la lecture › IV. De l’avènement de Louis XIV jusqu’au XIXᵉ siècle

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Le Livre, tome I, p. 142-166

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 142.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 142 [166]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 143.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 143 [167]. Source : Internet Archive.

IV. De l’avènement de Louis XIV jusqu’au xixe siècle

Le goût des livres et l’amour de la lecture continuent à se répandre sous le règne de Louis XIV (1638-1715), bien que, par lui-même et en dépit de la réputation que l’histoire lui a faite, ce souverain n’ait guère donné de preuves directes de cet amour ni de ce goût[142.1].

Jérôme Bignon, surnommé le Varron français, le chancelier Séguier, l’archevêque de Reims Letellier, Patru, Étienne Baluze[142.2], Huet, etc., tous ces passion-

[I.166.142]
  1.  « Louis XIV avait été très mal instruit dans son enfance ; les quelques thèmes que lui dictait Péréfixe et qu’on a retrouvés depuis ne prouvent rien. Il était très ignorant des choses du passé ; il n’avait presque aucune lecture. On est allé jusqu’à dire que Louis XIV ne savait pas lire couramment l’impression, qu’il ne pouvait bien lire que des manuscrits qui étaient comme faits au burin et par des calligraphes. « Quand on lui donnait pour la messe un livre imprimé, il fallait, dit-on, lui donner en même temps le manuscrit, afin qu’il lût la messe dans ce dernier. » « C’est un abbé d’Étemare, homme d’esprit et informé de bien des particularités, qui donne cela pour certain. » (Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. I, pp. 340-341.)  ↩
  2.  Par son testament, Étienne Baluze (1630-1718) ordonna que sa bibliothèque fût vendue en détail, afin de faciliter à un plus grand nombre de gens de lettres et d’amateurs l’acquisition des raretés qu’elle contenait. Ses manuscrits, ses extraits, ses livres ou pièces annotés de sa main, furent acquis par le roi et sont aujourd’hui à la Bibliothèque nationale. (Cf. Léopold Delisle, Testament d’Étienne Baluze, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1872, t. XXXIII, pp. 187-195.) « Baluze fut un des esprits éminents de son siècle, un ami éclairé du progrès…. « Baluze, dit M. Dupin, est un des hommes qui ont rendu le plus de services à la république des lettres par son application continuelle à rechercher de tous côtés des manuscrits des bons auteurs, à les conférer avec les éditions, et à les donner ensuite au public avec des notes pleines de recherches et d’érudition. » « Sa maison était le rendez-vous des savants et des gens de lettres, qu’il aidait non seulement de ses conseils et de sa plume, mais encore de son argent…. C’est Baluze qui introduisit un des premiers en France l’usage des soupers littéraires, qui se prolongèrent avec tant d’éclat dans le xviiie siècle. La joyeuse humeur y était de mise…. » (Hœfer, Nouvelle Biographie.) Sur Étienne Baluze, voir aussi Alfred Franklin, les Anciennes Bibliothèques de Paris, t. II, p. 193, n. 1.  ↩

Le Livre, tome I, p. 143-167

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 143.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 143 [167]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 144.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 144 [168]. Source : Internet Archive.

nés collectionneurs de livres furent les dignes successeurs de Jean Grolier et des de Thou[143.1]. Colbert, qui avait fait de Baluze son bibliothécaire, mérite aussi de figurer sur cette liste[143.2]. « Formé au minis-

[I.167.143]
  1.  Sur ces personnages, que je ne fais que mentionner ici, et sur un grand nombre d’autres bibliophiles et collectionneurs, on trouvera d’utiles renseignements dans le petit livre d’Édouard Fournier, l’Art de la reliure en France aux derniers siècles. Paris, Dentu, 1888. In-18. (Voir, notamment, les pages 78-110, sur le célèbre Grolier.)  ↩
  2.  « Les trois plus grands ministres qu’ait eus la France se sont rencontrés en un point : malgré la diversité de leur caractère et de leurs idées, ils cédèrent à un même entraînement : tous trois furent d’éminents et surtout de passionnés bibliophiles. Des admirables collections qu’ils avaient réunies, une seule et venue intacte jusqu’à nous. La bibliothèque de Richelieu, échue à la Maison de Sorbonne, a été dispersée pendant la Révolution. Celle de Colbert eut une destinée plus triste encore : elle fut vendue aux enchères, et les manuscrits à peu près seuls entrèrent à la Bibliothèque du Roi. Celle de Mazarin, grâce à la générosité de son fondateur, a eu la rare fortune de lui survivre et de garder son nom. » (Alfred Franklin, op. cit., Collège Mazarin, t. III, p. 37.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 144-168

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 144.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 144 [168]. Source : Internet Archive.

tère dans la maison du cardinal Mazarin… il a dû penser qu’il convenait à un roi tel que Louis XIV de porter au plus haut point l’établissement des bibliothèques publiques ; mais Mazarin en avait donné le premier exemple, et il méritera toujours, à ce titre, d’être considéré comme le Pollion de la France[144.1]. »

C’est au chancelier Séguier que le tout jeune roi Louis XIV demandait un jour en riant : « A quel prix, monsieur le chancelier, vendriez-vous la justice ? — Oh ! Sire, à aucun prix, répondait Séguier. Pour un beau livre, je ne dis pas !… » ajoutait-il en hochant la tête et d’un air mi-sérieux, mi-plaisant[144.2].

« A quoi cela vous sert-il de lire ? demandait plus tard Louis XIV au duc de Vivonne, qui était renommé pour sa belle mine et ses fraîches couleurs. — La lecture fait à l’esprit, Sire, ce que vos perdrix font à mes joues, » lui répliqua le duc[144.3].

[I.168.144]
  1.  Petit-Radel, op. cit., Bibliothèque Mazarine, p. 300.  ↩
  2.  Ap. Jules Janin, l’Amour des livres, p. 54. (Paris, Miard, 1866.)  ↩
  3.  Cf. Voltaire, Siècle de Louis XIV, chap. xxvi. (Œuvres complètes, t. II, p. 446. Paris, édit. du journal le Siècle, 1867-1870.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 145-169

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 145.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 145 [169]. Source : Internet Archive.

Dans ses réflexions à propos De la lecture et du choix des livres[145.1], Saint-Évremond (1613-1703) nous explique ainsi son goût :

« J’aime le plaisir de la lecture autant que jamais, pour dépendre plus particulièrement de l’esprit qui ne s’affaiblit pas comme les sens. A la vérité, je cherche plus dans les livres ce qui me plaît que ce qui m’instruit. A mesure que j’ai moins de temps à pratiquer les choses, j’ai moins de curiosité pour les apprendre. J’ai plus de besoin du fond de la vie que de la manière de vivre ; et le peu que j’en ai s’entretient mieux par des agréments que par des instructions. Les livres latins m’en fournissent le plus, et je relis mille fois ce que j’y trouve de beau, sans m’en dégoûter.

« Un choix délicat me réduit à peu de livres, où je cherche beaucoup plus le bon esprit que le bel esprit. »

Ailleurs, dans Son portrait fait par lui-même[145.2], il revient sur ces considérations et les commente en ces termes :

« La vie est trop courte, à son avis, pour lire toutes sortes de livres et charger sa mémoire d’une infinité de choses, aux dépens de son jugement ; il ne s’attache point aux écrits les plus savants, pour acquérir

[I.169.145]
  1.  Saint-Évremond, Œuvres choisies, pp. 402-403. (Paris, Garnier, s. d.)  ↩
  2.  Id., ibid., p. 436.  ↩

Le Livre, tome I, p. 146-170

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 146.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 146 [170]. Source : Internet Archive.

la science, mais aux plus sensés, pour fortifier sa raison ; tantôt il cherche les plus délicats, pour donner de la délicatesse à son goût, tantôt les plus agréables, pour donner de l’agrément à son génie. »

Le ministre protestant David Ancillon (1617-1692), originaire de Metz, manifesta, dès l’enfance, un goût très vif pour l’étude et les livres. « Les richesses qu’il acquit par son mariage, écrit Bayle[146.1], l’ayant mis en état de satisfaire à sa passion favorite, il acheta tous les livres capitaux que l’on peut appeler « les piliers d’une grande bibliothèque », tels que sont les Bibles les plus curieuses par l’édition ou par les notes, les différents dictionnaires, les plus excellents commentaires des livres de l’Écriture, les ouvrages des Pères…. Il en avait choisi les plus belles éditions…. Il disait qu’il est certain que moins les yeux ont de peine à lire un ouvrage, plus l’esprit a de liberté pour en juger ; que, comme on y voit plus clair, et qu’on en remarque mieux les grâces et les défauts lorsqu’il est imprimé que lorsqu’il est écrit à la main, on y voit aussi plus clair quand il est imprimé en beaux caractères et sur du beau papier, que quand il l’est sur du vilain et en mauvais caractères. » Il recherchait de préférence les premières

[I.170.146]
  1.  Dictionnaire historique et critique, art. Ancillon, t. II, p. 69. (Paris, Desoer, 1820.) Voir aussi, sur David Ancillon, Parent aîné, Essai sur la bibliographie et sur les talents du bibliothécaire, pp. 17-18. (Paris, chez l’auteur, an IX.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 147-171

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 147.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 147 [171]. Source : Internet Archive.

éditions des livres, « quoiqu’il y eût beaucoup d’apparence qu’on les réimprimerait avec des augmentations et avec des corrections[147.1] ».

La bibliothèque de David Ancillon était ainsi « très curieuse et très grande, et il l’augmentait tous les jours de tout ce qui paraissait de nouveau et d’important dans la république des lettres : de sorte qu’enfin elle était devenue une des plus belles qui fût entre les mains d’aucun particulier du royaume. Les étrangers curieux ne manquaient pas de la voir en passant par la ville de Metz, comme ce qui y était de plus rare[147.2]. » Cette magnifique collection, « qui avait été composée avec plaisir et avec choix pendant quarante ans », et dans laquelle Ancillon « avait placé, pour ainsi dire, son propre cœur[147.3], » fut pillée et saccagée en 1685, lors de la révocation de l’édit de Nantes, et Ancillon s’enfuit en Allemagne, où il s’éteignit, à Berlin, à l’âge de soixante-quinze ans.

Après les bons amis, les bons livres m’enchantent.
A toute heure, en tout temps, je tiens entre les mains
Les ouvrages fameux des Grecs et des Romains.
O le grand don de Dieu que d’aimer la lecture !

s’écrie Tallemant des Réaux (1619-1692), dans son Épître au Père Rapin[147.4].

[I.171.147]
  1.  Bayle, op. cit., t. II, p. 71.  ↩
  2.  Ap. Id., op. cit., t. II, p. 70.  ↩
  3.  Id., op. cit., t. II, p. 71.  ↩
  4.  Ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XIII, p. 185.  ↩

Le Livre, tome I, p. 148-172

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 148.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 148 [172]. Source : Internet Archive.

La Fontaine (1621-1695), malgré sa native paresse, lisait beaucoup, des anciens et des modernes, des Français ou des Gaulois aussi bien que des Italiens, et volontiers il s’en targue :

Térence est dans mes mains ; je m’instruis dans Horace ;
Homère et son rival sont mes dieux du Parnasse.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Je chéris l’Arioste, et j’estime le Tasse ;
Plein de Machiavel, entêté de Boccace,
J’en parle si souvent qu’on en est étourdi ;
J’en lis qui sont du Nord, et qui sont du Midi[148.1].

« Ce n’est pas, disait fort sensément Pascal (1623-1662)[148.2], dans les choses extraordinaires et bizarres que se trouve l’excellence de quelque genre que ce soit. On s’élève pour y arriver, et on s’en éloigne : il faut le plus souvent s’abaisser. Les meilleurs livres sont ceux que ceux qui les lisent croient qu’ils auraient pu faire. La nature, qui seule est bonne, est toute familière et commune. »

En maint endroit de ses lettres, Mme de Sévigné (1626-1696) prône les vifs et fructueux plaisirs que procure la lecture. « Aimer à lire… la jolie, l’heureuse disposition ! On est au-dessus de l’ennui et de

[I.172.148]
  1.  Épître à Mgr l’évêque de Soissons (alors le célèbre Huet, qui devint plus tard évêque d’Avranches). (La Fontaine, Œuvres, t. IX, pp. 202, et 204. Collection des Grands Écrivains. Paris, Hachette, 1892.)  ↩
  2.  De l’Esprit géométrique, in fine. (Pascal, Œuvres complètes, t. II, pp. 353-354. Paris, Hachette, 1860.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 149-173

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 149.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 149 [173]. Source : Internet Archive.

l’oisiveté, deux vilaines bêtes[149.1] ! » « Qu’on est heureux d’aimer à lire[149.2] ! » « Je plains ceux qui n’aiment point à lire[149.3]. » « Enfin, tant que nous aurons des livres, nous ne nous pendrons pas[149.4] ! » « Pour Pauline (sa petite-fille), cette dévoreuse de livres, j’aime mieux qu’elle en avale de mauvais que de ne point aimer à lire[149.5]. » « Je ne veux rien dire sur les goûts de Pauline pour les romans, écrit-elle encore à sa fille…. Tout est sain aux sains, comme vous dites…. Ce qui est essentiel, c’est d’avoir l’esprit bien fait[149.6]. »

C’est à peu près ce que dira plus tard Diderot[149.7] : « Il n’y a point de bons livres pour un sot ; il n’y en a peut-être pas un mauvais pour un homme de sens. »

« Celui qui aime un livre, dit le géomètre et théologien anglais Isaac Barrow[149.8] (1630-1677), ne manquera jamais d’un ami fidèle, d’un sage conseiller, d’un joyeux compagnon, d’un consolateur efficace. Celui qui étudie, qui lit, qui pense, peut se divertir innocemment et s’amuser gaiement, quelque

[I.173.149]
  1.  Lettre du 14 décembre 1689. (Lettres de Mme de Sévigné, t. VI, p. 58. Paris, Didot, 1867. 6 vol. in-18.)  ↩
  2.  Lettre du 15 juin 1689. (Tome V, p. 419.)  ↩
  3.  Lettre du 17 juillet 1689. (Tome V, p. 442.)  ↩
  4.  Lettre du 23 septembre 1671. (Tome I, p. 363.)  ↩
  5.  Lettre du 15 janvier 1690. (Tome VI, p. 94.)  ↩
  6.  Lettre du 16 novembre 1689. (Tome VI, p. 33.)  ↩
  7.  Les Aventures de Pyrrhus. (Diderot, Œuvres complètes, t. IX, p. 463. Paris, Garnier, 1876.)  ↩
  8.  Ap. Lubbock, le Bonheur de vivre, trad., p. 54. (Paris, Alcan, 1891.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 150-174

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 150.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 150 [174]. Source : Internet Archive.

temps qu’il fasse, en quelque situation qu’il se trouve. »

Huet (1630-1721), évêque de Soissons d’abord, puis d’Avranches, doit être, d’après les calculs de l’abbé d’Olivet, regardé comme celui de tous les hommes « qui a peut-être le plus lu[150.1] ».

Il est à considérer, d’ailleurs, que Pierre-Daniel Huet était des mieux doués pour la lecture et l’étude. L’heureuse disposition de ses organes lui permettait — c’est lui-même qui le dit — « de lire et d’étudier des journées et des nuits entières sans en éprouver la moindre fatigue, et cela jusque dans son extrême vieillesse…. Il remarque avec beaucoup d’esprit et de justesse que la vie sédentaire des savants, bien loin d’être contraire à la santé, comme le prétendent les médecins, prolonge l’existence…. Non seulement l’étude ne fatiguait pas Huet, elle l’égayait. « Je quittais mes livres, dit-il, toujours frais et dispos, même après six ou sept heures de contention d’esprit. Souvent même, alors, j’étais gai[150.2] ! »

« Si l’on veut bien considérer, nous dit d’Olivet[150.3], qu’il (Huet) a vécu quatre-vingt-onze ans moins quelques jours, qu’il se porta dès sa plus tendre enfance à l’étude, qu’il a toujours eu presque tout son temps à lui ; qu’il a presque toujours joui d’une

[I.174.150]
  1.  Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. II, p. 170.  ↩
  2.  S. de Sacy, Variétés littéraires, t. II, p. 576.  ↩
  3.  Ap. Sainte-Beuve, ibid.  ↩

Le Livre, tome I, p. 151-175

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 151.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 151 [175]. Source : Internet Archive.

santé inaltérable ; qu’à son lever, à son coucher, durant ses repas, il se faisait lire par ses valets ; qu’en un mot, et pour me servir de ses termes, « ni le feu de la jeunesse, ni l’embarras des affaires, ni la diversité des emplois, ni la société de ses égaux, ni le tracas du monde, n’ont pu modérer cet amour indomptable de l’érudition qui l’a toujours possédé » ; une conséquence qu’il me semble qu’on pourrait tirer de là, c’est que M. d’Avranches est peut-être, de tous les hommes qu’il y eut jamais, celui qui a le plus étudié. »

« Eh bien ! continue Sainte-Beuve, cet homme qui avait le plus lu, qui avait, comme particulier, la plus vaste bibliothèque qu’on put voir, et à laquelle il tenait tant, savez-vous ce qu’il pensait des livres ? Il prétendait « que tout ce qui fut jamais écrit depuis que le monde est monde pourrait tenir dans neuf ou dix in-folio, si chaque chose n’avait été dite qu’une seule fois. Il en exceptait les détails de l’histoire, c’est une matière sans bornes ; mais, à cela près, il y mettait absolument toutes les sciences, tous les beaux-arts. Un homme donc, à l’âge de trente ans, disait-il, pourrait, si ce recueil se faisait, savoir tout ce que les autres hommes ont jamais pensé. »

Autre chose encore à relever chez cet homme qui avait tant dévoré de livres, tant médité et travaillé : il était la modestie même, la réserve et la prudence

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