Le Livre, tome I, p. 176-200

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 176.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 176 [200]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 177.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 177 [201]. Source : Internet Archive.

V. Époque contemporaine

Un des hommes de notre temps qui ont le mieux connu les livres, qui en ont le mieux parlé, et ont le plus fait pour en répandre la connaissance et l’amour, c’est Gabriel Peignot (1767-1849) : son érudition, son jugement, son goût, sa méthode et sa puissance de travail, son ordre, sa clarté, toutes ses excellentes qualités sont aujourd’hui unanimement consta­tées[176.1].

[I.200.176]
  1.  Il n’en a pas toujours été ainsi. Voir, dans le Manuel du libraire de J.-C. Brunet, l’article Peignot : « Les productions bibliographiques de Peignot, quoiqu’elles soient un peu trop superficielles…. Au reste, toujours modeste dans ses écrits (conclut néanmoins Brunet), toujours rempli d’indulgence pour ceux des autres, cet estimable homme de lettres a dû rencontrer plus d’amis que de censeurs ; et d’ailleurs, il est juste de le reconnaître, ses ouvrages ont beaucoup servi à populariser la bibliographie. » Voir aussi l’article Peignot dans la Biographie universelle de Michaud : « On pourrait désirer aussi que Peignot eût souvent été plus sévère dans le choix de ses matériaux…. Du reste, la bonne foi et l’absence de prétention sont chez lui des qualités incontestables et précieuses. » « M. Peignot, l’un des plus savants et laborieux bibliographes de ce siècle. » (Quérard, la France littéraire, t. VII, p. 10.) « M. Peignot est un des savants qui ont le mieux mérité de la science bibliographique. » (Renouard, Catalogue d’un amateur, t. IV, p. 214.) « Ce judicieux Traité du choix des livres, de Peignot… ouvrage qui devrait être connu de tous ceux qui se vouent à la culture intellectuelle…. » (Mouravit, le Livre et la Petite Bibliothèque d’amateur, p. 109.) « Peignot a été le bibliographe le plus savant de ce siècle. Son érudition était immense. (Larousse, Grand Dictionnaire.) Etc. — On trouve dans les Curiosités de l’histoire des arts de P. L. Jacob, Notice sur le parchemin et le papier, p. 1 (Paris, Delahays, 1858), une note singulière, et que je signale ici, en raison même de cette étrangeté : « Nous n’hésitons pas, dit le bibliophile Jacob, à réimprimer sous notre nom quelques pages que nous avons publiées dans un grand ouvrage collectif [les Beautés du moyen âge et de la Renaissance (mœurs et arts), par MM. Émile Bégin, Champollion-Figeac, Depping, etc. (Parchemin, Papier), sans pagination ; Paris, à l’Administration du moyen âge et de la Renaissance, 5, rue du Pont-de-Lodi, s. d.] sous le nom du savant Gabriel Peignot, avec son autorisation formelle, en nous aidant de ses ouvrages, il est vrai, et en leur empruntant des passages textuels. Ç’a été de la part de l’illustre bibliographe une marque d’estime et de confiance que de nous permettre de lui attribuer un travail qu’il n’avait pas même revu ; nous ne croyons pas devoir plus longtemps lui laisser, après sa mort, la responsabilité de notre œuvre. » Tout ce que l’on peut dire, en réponse à cette réclamation en reprise de possession, c’est : 1º qu’il est regrettable qu’elle ne se soit pas formulée du vivant de « l’illustre bibliographe » co-intéressé ; 2º que de telles substitutions, fraudes et manigances n’étaient nullement dans les habitudes de l’honnête, laborieux et scrupuleux Peignot.  ↩

Le Livre, tome I, p. 177-201

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 177.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 177 [201]. Source : Internet Archive.

Peignot a beaucoup écrit. « Esprit facile, disposé à tout admirer et à tout aimer, a dit de lui un de ses bio­graphes[177.1], il se laissa successivement tenter, tout

[I.201.177]
  1.  J. Simonnet, Essai sur la vie et les ouvrages de Gabriel Peignot, p. 65. (Paris, Auguste Aubry, 1863.) Voir. pp. 187 et s. de ce volume de J. Simonnet, la liste chronologique des ouvrages de Gabriel Peignot.  ↩

Le Livre, tome I, p. 178-202

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 178.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 178 [202]. Source : Internet Archive.

en restant fidèle à la bibliographie, par l’histoire, par l’antiquité romaine, par l’étude comparée des langues, par l’histoire des mœurs et celle de notre littérature, par la curiosité enfin. » Ses principaux ouvrages, dans le sujet qui nous occupe, sont le Manuel du bibliophile, ou Traité du choix des livres, le Manuel bibliographique, ou Essai sur les bibliothèques anciennes et modernes, le Dictionnaire raisonné de bibliologie (une des meilleures œuvres de Peignot), l’Essai historique et archéologique sur la reliure des livres et sur l’état de la librairie chez les anciens, un Essai sur l’histoire du parchemin et du vélin, un Essai de curiosités bibliographiques, etc. Le seul reproche qu’on puisse adresser à ces volumes, et ce reproche n’atteint pas l’auteur, c’est d’être aujourd’hui quelque peu arriérés sur certains points. Mais, ne l’oublions pas, Gabriel Peignot a été le pionnier de la science bibliographique, un « défricheur », comme l’a si justement appelé M. Fertiault dans un de ses sonnets :

La notion du Livre a rayonné par lui[178.1].

C’est surtout dans sa correspondance avec son ami Baulmont qu’on peut se rendre compte des remarquables qualités de cœur et d’esprit — bon sens, bonne humeur, gaieté, exquise délicatesse de

[I.202.178]
  1.  F. Fertiault, les Légendes du livre, Un défricheur, pp. 39 et 190.  ↩

Le Livre, tome I, p. 179-203

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 179.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 179 [203]. Source : Internet Archive.

sentiments, érudition toujours aimable et sans pédanterie, infatigable activité, absolu désintéressement, bonté foncière et inépuisable — de Peignot. Aucune gloriole, aucune ambition de sa part : c’est uniquement par goût, pour elles-mêmes et « pour le plaisir », qu’il aime les Lettres : « … Mais, ma foi, je ne donnerais pas une pipe de tabac pour qu’il (son nom) me survécût ; il en est des hommes comme des peuples : moins on parle d’eux dans l’histoire, plus ils ont été heureux dans ce bas monde. Je jouis encore de cet avantage, et j’apprécierai de mon mieux le peu de temps qui me reste à en jouir[179.1]. »

Ailleurs, après la mort de deux personnes auxquelles il était attaché : « Nous vivons dans nos amis, écrit-il, comme ils vivent en nous ; nous n’avons, pour ainsi dire, entre amis, qu’une âme, qu’un esprit, qu’une pensée. Quand nous perdons ces bons amis, n’est-ce pas descendre petit à petit, par lambeaux, dans la tombe ? En vérité, à la mort de chaque personne qui m’intéresse, il me semble sentir une partie de moi-même qui s’en va ; c’est un acompte sur la destruction totale. Hélas ! j’en ai déjà bien payé de ces acomptes, et de terribles[179.2]…. »

Après avoir rempli, jusqu’à plus de soixante-dix

[I.203.179]
  1.  Lettres de Gabriel Peignot à son ami N.-D. Baulmont, lettre du 13 janvier 1836, p. 203. (Dijon, Lamarche et Drouelle, 1857. In-8.)  ↩
  2.  Op. cit., lettre du 3 avril 1818, p. 39.  ↩

Le Livre, tome I, p. 180-204

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 180.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 180 [204]. Source : Internet Archive.

ans, des fonctions universitaires, en dernier lieu celles d’inspecteur d’Académie à Dijon, aux appointements annuels de 3000 francs ; après toute une vie de labeur opiniâtre et de services rendus à ses concitoyens, à l’enseignement et à la science, Peignot mourut pauvre, sans titres ni rubans, ce qui, selon la remarque de son bio­graphe[180.1], « est le meilleur éloge qu’on puisse faire » de ce modeste et savant, de cet excellent et heureux homme, de ce vrai sage.

J’ai déjà eu recours plus d’une fois, pour le présent travail, aux livres de Gabriel Peignot, et j’y puiserai encore. Je me bornerai ici, dans cette sorte de

[I.204.180]
  1.  J. Simonnet, op. cit., p. 63. Comme Gabriel Peignot, Ludovic Lalanne (1815-1898), un autre grand ami des livres, un autre érudit également aussi laborieux que modeste, l’auteur de l’excellent petit volume, Curiosités bibliographiques, que j’ai mis amplement déjà et mettrai encore à contribution, l’auteur des Curiosités littéraires, des Curiosités biographiques, Curiosités philologiques, Curiosités militaires, etc., du Dictionnaire historique de la France, etc., ne fut rien et ne voulut rien être — que bibliothécaire. Faisant allusion à sa haute taille et en même temps à ses invincibles scrupules et à sa dignité de caractère, il disait que, pour arriver, il fallait se résoudre « à passer sous des portes trop basses, et que cela le gênait de se courber ». (Renseignement personnel.) — Ajoutons que, vingt ans après la mort de Gabriel Peignot, c’est-à-dire en 1869, le Bibliophile Jacob, Gustave Brunet et Pierre Deschamps provoquèrent une souscription pour venir en aide à sa veuve et à ses enfants, qui se trouvaient dans la plus grande détresse. Précédemment deux souscriptions avaient été ouvertes de même en faveur d’un autre docte et infatigable bibliographe, « de Quérard, l’une pour le faire vivre, l’autre pour le faire enterrer ». (Firmin Maillard, les Passionnés du livre, p. 138.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 181-205

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 181.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 181 [205]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 182.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 182 [206]. Source : Internet Archive.

florilège, à citer ces quatrains, où le bon, jovial et spirituel septuagénaire, s’est peint avec ses pieuses croyances, sa simplicité de cœur, sa pureté de mœurs, son culte pour l’amitié, les livres et l’étude :

Le sort que me départ ta volonté suprême,
Être puissant et bon, comble tous mes souhaits,
Et, maître de choisir, j’aurais choisi le même :
Je te rends, ô mon Dieu, grâce pour tes bienfaits.

Des livres à mon goût, dans mon coin si modeste,
Remplissent mes rayons ; un humble coffre-fort
Suffit à mes besoins : les pauvres ont le reste ;
Mais ma bibliothèque est mon plus cher trésor.

Sain de corps et d’esprit, j’ai des amis sincères ;
L’étude me distrait sans jamais me lasser ;
Comptant du jour natal beaucoup d’anniversaires,
Je vois, sans nul regret, mon terme s’avancer.

Convive passager au banquet de la vie,
Je sais qu’il faut bientôt au monde dire adieu ;
A renaître en ton sein ta bonté me convie,
Et mon cœur en nourrit l’espérance, ô mon Dieu[181.1] !

[I.205.181]
  1.  Peignot, ap. J. Simonnet, op. cit., p. 77. On pourrait rapprocher de ces vers le sonnet bien connu, où un autre maître ès livres, l’imprimeur Plantin (1514-1589), d’Anvers, a célébré « le Bonheur de ce monde » (Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 juillet 1903, col. 9-10 ; et Max Rooses, Catalogue du musée Planlin-Moretus, 5e édit., 1902, p. 51) :
    •  Avoir une maison commode, propre et belle,
      Un jardin tapissé d’espaliers odorants,
      Des fruits, d’excellent vin, peu de train, peu d’enfants ;
      Posséder seul, sans bruit, une femme fidèle ;
    •  N’avoir dettes, amour, ni procès, ni querelle,
      Ni de partage à faire avecque ses parents,
      Se contenter de peu, n’espérer rien des grands,
      Régler tous ses dessins sur un juste modèle ;
    •  Vivre avecque franchise et sans ambition,
      S’adonner sans scrupule à la dévotion,
      Dompter ses passions, les rendre obéissantes ;
    •  Conserver l’esprit libre et le jugement fort,
      Dire son chapelet en cultivant ses entes :
      C’est attendre chez soi bien doucement la mort.  ↩

Le Livre, tome I, p. 182-206

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 182.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 182 [206]. Source : Internet Archive.

« Lorsque mon cœur oppressé me demande du repos, dit Joseph de Maistre (1754-1821)[182.1], la lecture vient à mon secours. Tous mes livres sont là sous ma main ; il m’en faut peu, car je suis depuis longtemps bien convaincu de la parfaite inutilité d’une foule d’ouvrages qui jouissent d’une grande répu­tation[182.2]. »

Un ingénieux et profond moraliste, Joseph Joubert (1754-1824), si apprécié de tous les délicats, si cher à tous les lettrés, a, lui aussi, beaucoup aimé les livres, et les a magnifiquement prônés. « Il n’est rien de plus beau qu’un beau livre », déclarait-il[182.3]. « Ce sont les livres qui nous donnent nos plus grands plaisirs, disait-il encore[182.4], et les hommes qui nous causent nos plus grandes douleurs. » Un de ses biographes, Paul de Raynal, a décrit en ces termes la passion de Joubert pour les livres. Cette passion « n’était pas celle du bibliomane qui, comme l’avare, amoncelle des trésors dont il ne sait point user. Il lisait tout, et la plupart des volumes de sa bibliothèque portent encore les vestiges du

[I.206.182]
  1.  Soirées de Saint-Pétersbourg, t. I, p. 11. (Lyon, Pélagaud, 1870, 10e édit.)  ↩
  2.  Sur cette question, cf. notre tome II, chap. iv, Du choix des livres ; et tome IV, chap. i, De l’achat des livres.  ↩
  3.  Pensées, CCXI, t. II, p. 338. (Paris, Didier, 1862.)  ↩
  4.  Op. cit., CCVIII, t. II, p 337.  ↩

Le Livre, tome I, p. 183-207

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 183.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 183 [207]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 184.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 184 [208]. Source : Internet Archive.

vestiges du passage de sa pensée : ce sont de petits signes dont j’ai vainement étudié le sens, une croix, un triangle, une fleur, un thyrse, une main, un soleil, vrais hiéroglyphes que lui seul savait comprendre et dont il a emporté la clef. Son heureuse mémoire cependant aurait pu se passer d’un tel secours. Il n’oubliait rien, en effet, des choses qu’il avait lues ; l’aspect seul du volume, un regard jeté sur la couverture, sur le titre, suffisaient pour réveiller tous ses souvenirs et renouveler soudainement ses impressions premières. C’était, de ses livres à lui, un commerce de tous les instants, une sorte de courant intellectuel presque ininterrompu. Ils ne renfermaient pas une bonne parole dont il ne leur tînt compte en passant, un mauvais propos dont il ne leur gardât rancune. Aussi était-il devenu fort scrupuleux dans le choix des volumes qu’il admettait sur ses rayons. Il avait grand soin de ne s’entourer que d’ouvrages amis, et proscrivait, comme un voisinage fâcheux, les auteurs qui blessaient sa pensée[183.1]. »

[I.207.183]
  1.  Paul de Raynal, la Vie et les Travaux de M. J. Joubert, Pensées de Joubert, t. I, pp. xlv-xlvi. Le même biographe donne encore les détails suivants sur l’amour et la sollicitude que Joubert témoignait à ses livres (ibid., p. xlviii) : « … Dès l’abord cependant une singularité m’avait frappé. Je l’avais vu (Joubert) quitter, à notre approche, un volume dont il était occupé, la main enveloppée dans un gant ciré, à polir la couverture. J’ai su depuis que, lorsque sa santé ne lui permettait ni de monter à sa galerie, ni de se livrer aux travaux de la pensée, il lui arrivait souvent de faire descendre quelques-uns de ses écrivains favoris, pour rendre à leur parure de ces petits soins humbles et naïfs où se laissait aller son amour pour eux. On concevra, du reste, le prix qu’il attachait à ses livres, en songeant que c’était peu à peu, sur des épargnes dont l’emploi était parfois contesté, et presque toujours après de longues recherches, qu’il les avait successivement acquis. » Dans un article publié par le Magasin pittoresque (mars 1887, p. 78), et traitant Du choix de vingt livres, Agénor Bardoux (1830-1897), membre de l’Institut, sénateur et ancien ministre de l’Instruction publique, révèle sur Joubert la particularité suivante, dont il a omis de fournir la preuve ou d’indiquer la source : « Le dernier des platoniciens, Joubert, celui de qui l’on a dit qu’il avait l’air d’ « une âme ayant rencontré par hasard un corps, et s’en tirant comme elle pouvait. » Joubert avait une singulière habitude : en dehors des classiques, qu’il conservait dans leur intégrité, il avait l’habitude de déchirer toutes les pages qui lui déplaisaient, de telle sorte qu’il ne conservait que les (sic) livres effilés, sans commencement ni fin. »  ↩

Le Livre, tome I, p. 184-208

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 184.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 184 [208]. Source : Internet Archive.

Le vicomte de Bonald (1754-1840), dont on connaît les apho­rismes[184.1] : « Depuis l’Évangile jusqu’au Contrat Social, ce sont les livres qui ont fait les révolutions, » « La littérature est l’expression de la société », etc., se montrait, en fait de livres, autrement rigoureux que Joubert, et, non content de proscrire les statues en costume héroïque, « il proposait sérieusement à l’Administration de faire faire des éditions châtiées et exemplaires des auteurs célèbres ; on extrairait de chaque auteur ce qui est grave, sérieux, élevé, noblement touchant, et l’on supprimerait le reste : « Tout ce qui serait de l’écrivain social serait conservé, tout ce qui serait de

[I.208.184]
  1.  Ap. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. IV, pp. 431 et 432.  ↩

Le Livre, tome I, p. 185-209

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 185.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 185 [209]. Source : Internet Archive.

l’homme serait supprimé ; et, si je ne pouvais faire le triage, dit-il, je n’hésiterais pas à tout sacri­fier.[185.1] » Le systématique et impitoyable doctrinaire ne semble pas se douter qu’il pourrait survenir un autre épurateur non moins zélé et féroce que lui, un autre vandale et massacreur de son espèce, ou plutôt d’une espèce contraire, qui s’en prendrait à lui, Bonald, et lui ferait subir la peine du talion, le supprimerait et sacrifierait à son tour, sans pitié ni remords et totalement.

La comtesse d’Albany (1752-1824), la femme du brutal Prétendant Charles-Édouard et l’amie dévouée d’Alfieri, puis du peintre Xavier Fabre (de Montpellier), avait la passion de la lecture, et une passion qui ne fit que s’accroître avec l’âge. Dans sa retraite de Florence, après sa promenade matinale aux Caseine, elle se réfugiait au milieu de ses livres, et ne les quittait pour ainsi dire plus : « C’est un grand plaisir, écrivait-elle en décembre 1802, que de passer son temps à parcourir les différentes idées et opinions de ceux qui ont pris la peine de les mettre sur le papier. C’est le seul plaisir d’une personne raisonnable à un certain âge ; car les conversations sont médiocres et bien faibles, et toujours très ignorantes…. Mes livres augmentent tous les jours…. Je ne trouve pas de meilleure et plus sûre

[I.209.185]
  1.  Ap. Sainte-Beuve, op. cit., t. IV, pp. 433-434.  ↩

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