Pour parer à ce danger si universellement reconnu, à l’anéantissement plus ou moins rapide de la plupart des impressions (livres et périodiques) d’aujourd’hui, M. Gaston Menier, député de Seine-et-Marne, a récemment saisi la Chambre d’une proposition tendant à modifier la loi sur la presse, et stipulant que « les exemplaires des imprimés destinés aux collections nationales ou au dépôt légal devront être tirés sur un papier spécial, dont les conditions de fabrication auront été indiquées par le ministère de l’Intérieur, et portant une vignette d’authenticité[077.1] ».
- Le journal le Temps, dans la Revue biblio-iconographique, juin 1903, p. 313. Au dire de J.-L.-A. Bailly (Notices historiques sur les bibliothèques anciennes et modernes, p. 63), le roi « Henri II, en 1556, d’après les insinuations de Raoul Spifame, rendit une ordonnance… enjoignant aux libraires [éditeurs et imprimeurs] de fournir aux bibliothèques royales un exemplaire, en vélin et relié, de tous les livres qu’ils imprimeraient par privilège ». Cette ordonnance fait partie du recueil des arrêtés, des dicæarchiæ, publié, en 1556, non par le véritable roi Henri II, mais par son ménechme ou sosie, ce si curieux et parfois si judicieux halluciné, qui avait nom Raoul Spifame. — Raoul Spifame, seigneur des Granges (….-1553), avocat au Parlement, ressemblait tellement à Henri II que ses confrères du barreau avaient coutume de l’appeler « Sire » et « Votre Majesté ». A force de s’entendre ainsi désigner, Spifame prit au sérieux cette royauté imaginaire et se permit d’adresser au premier président une remontrance qui valut au prétendu monarque sa destitution d’avocat. Cette monomanie des grandeurs devint telle que la famille de Spifame le fit interdire, puis enfermer à Bicêtre, d’où il s’échappa. Henri II, touché de cette inoffensive démence, et prenant en pitié son sosie : — « Qu’il ne déshonore pas pareille ressemblance, celui qui a l’honneur d’être fait à notre image ! » disait-il, — Henri II envoya Spifame dans un de ses châteaux, où il le fit garder par des serviteurs qui reçurent l’ordre de le traiter en véritable souverain et de lui donner les noms de Sire et de Majesté. Il put ainsi régenter et décréter tout à son aise et en toute sûreté. Le recueil des arrêts de ce roi postiche, contenant environ 300 pièces, a été imprimé sous le titre de Dicæarchiæ Henrici regis Christianissimi progymnasmata (1556, in-8), et divers historiens et jurisconsultes, des plus érudits même, comme Pierre-Jacques Brillon, comme Sainte-Marthe, l’ont, — par une singulière et bien drolatique confusion, — attribué au véritable Henri II. Parmi les idées de ce très remarquable fou, il en est de fort sages et de tout à fait pratiques, qui ont, après lui, fait victorieusement leur chemin dans le monde. Ainsi Spifame suppose, dans son livre, « que le parlement ordonne la fixation du commencement de l’année au 1er janvier ; le dépôt de tout ouvrage nouveau à la Bibliothèque du roi ; l’éclairage de Paris ; la suppression des justices seigneuriales ; la réunion des biens de l’Église au domaine ; la réduction du nombre des fêtes ; l’établissement de chambres du commerce ; des commissaires de police dans chaque quartier ; les abattoirs hors des villes ; l’unité des poids et mesures ; la conversion des cloches superflues en canons et en monnaie ; etc. » (Henri Martin, Histoire de France, t. IX, page 8, note 1.) Cf. aussi Michaud, Biographie universelle ; Larousse, op. cit. ; etc. Gérard de Nerval, dans ses Illuminés (pp. 1-20 ; Paris, Michel Lévy, 1868), a consacré tout un chapitre à Raoul Spifame, sous le titre « le Roi de Bicêtre ». ↩