Mot-clé : « Gratry (le Père) »

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Le Livre, tome II, p. 305-321

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 305.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 305 [321]. Source : Internet Archive.

s’en servir, de ces humbles volumes, faudrait-il les lire. Or, Zola, selon ses propres paroles, n’avait pas le temps de lire : il écrivait trop. « Quel est donc, disait-il un jour à Léon de la Brière[305.1], celui d’entre nous qui s’amuse à lire, j’entends à lire des livres, sans y être contraint par un travail qu’il médite et prépare, par une œuvre qui nécessite des recherches dans ces livres mêmes ? Il n’y a que les flâneurs, que les paresseux qui ont le temps de lire[305.2] ! — Pourtant, objectait La Brière, nos meilleures lectures, celles qui nous procurent le plus de plaisir, sont précisément celles qu’on fait pour elles-mêmes, pour elles seules…. — Bah ! Bah ! Est-ce que les charcutiers s’avisent jamais de manger du boudin ? Mais non, mon ami ! Ils laissent leur marchandise aux clients ! » conclut Zola.

Et qui ne se rappelle la superbe, la mémorable et inoubliable déclaration de Pierre Loti (1850-….), dans son discours de réception à l’Académie française : « Je ne lis jamais…. Par paresse d’esprit, par frayeur inexpliquée de la pensée écrite, par je ne sais quelle lassitude avant d’avoir commencé, je ne lis pas. » Émule de la bonne maréchale Lefebvre, je ne suis point du tout lisard ; je sais tout, je

[II.321.305]
  1.  Cf. mon volume le Dîner des Gens de lettres, Souvenirs littéraires, pp. 185-186. (Paris, Flammarion, 1903.)  ↩
  2.  « La lecture, cette paresse déguisée…. ». (Le Père Gratry : cf. supra, t. I, p. 195, n. 2.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 202-218

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 202.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 202 [218]. Source : Internet Archive.

Le Père Gratry (1805-1872) nous exhorte aussi à réserver nos yeux et nos loisirs pour des lectures

Le Livre, tome II, p. 136-152

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 136.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 136 [152]. Source : Internet Archive.

ter sans y avoir suffisamment réfléchi. La vérité est qu’elles le dégagent, retendent, le mettent à même de vivre de la vie la plus variée, la plus intense, la plus riche[136.1]. »

M. Albert Collignon, qui a particulièrement étudié cette question, y revient souvent, et il est d’avis, lui aussi, presque toujours, qu’il faut lire beaucoup.

« Nous devons lire beaucoup, — dans tous les sens du mot beaucoup. Je ne suis point partisan du précepte ancien, multum non multa[136.2], et c’est aussi en plus d’un sens que je redoute l’homme d’un seul livre[136.3]. « Le charme de la vaste lecture, et qui en varie presque à l’infini le plaisir, est de chercher le vrai,

[II.152.136]
  1.  Jules Levallois, l’Année d’un ermite, Comment on reste libre, p. 18.  ↩
  2.  Cependant, dans le même ouvrage, la Religion des Lettres, page 111, M. Albert Collignon estime qu’ « il faut lire beaucoup, peu de livres, toujours les mêmes, [c’est-à-dire précisément multum non multa] les meilleurs dans le genre de son talent et de son travail, se pénétrer de leur substance, comme on se nourrit d’aliments sains et solides pour former son tempérament ». Et page 94 : Trop de lecture rend l’esprit paresseux et désaccoutume d’écrire. Un livre ne doit être, pour un homme de lettres, qu’un point de départ, la branche… d’où l’imagination ailée prend son vol, » etc. — Cf. le mot (déjà cité : tome I, page 195, note 2) du Père Gratry : « La lecture, cette paresse déguisée…. » (L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 7 novembre 1899, col. 778.)  ↩
  3.  Timeo hominem unius libri, sentence attribuée à saint Thomas d’Aquin : cf. Jean Darche, Essai sur la lecture, pp. 157-158.  ↩

Le Livre, tome I, p. 195-219

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 195.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 195 [219]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 196.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 196 [220]. Source : Internet Archive.

aiment la vie du monde, sans dessein pourtant de causer avec chacun[195.1] ». « … Il m’a fallu renoncer à tout le plaisir que je me promettais d’un mois de solitude à lire du matin au soir et du soir au matin dans un petit coin. Je suis né pour lire, et non pas pour écrire, marcher et parler. Vous dites que lire, c’est être inutile au monde[195.2]. Qui vous dit le contraire ? Mais ne voyez-vous pas bien qu’écrire, c’est être nuisible au monde[195.3] ? » Etc. « Je veux savoir exactement ce que vous lisez. Dis-moi qui tu lis, et je te dirai qui tu es[195.4]. »

Cette dernière sentence a été reprise et commentée et développée en ces termes par l’historien et esthéticien Charles Blanc (1813-1882)[195.5] : « J’ai toujours pensé, et j’ai vérifié quelquefois, que l’on peut se faire une idée juste du caractère et de l’esprit d’un homme qu’on n’a jamais vu, rien qu’en regardant sa bibliothèque. Dis-moi ce que tu lis, et je te dirai qui tu es[195.6]. Avant même d’avoir lu les titres des

[I.219.195]
  1.  loc. cit., t. I, p. 246.  ↩
  2.  Cf. le mot du Père Gratry (Intermédiaire des chercheurs et curieux, 7 novembre 1899, col. 778) : « La lecture, cette paresse déguisée… ».  ↩
  3.  loc. cit., t. I, p. 334.  ↩
  4.  loc. cit., t. I, p. 355.  ↩
  5.  Grammaire des arts décoratifs, p. 336. (Paris, Laurens, s. d.)  ↩
  6.  « La vie d’un homme se reflète dans sa bibliothèque, écrit, lui aussi, l’érudit Anatole Claudin (1833-….) ; c’est là que l’on sait quel a été le but de ses études… l’objet principal de ses recherches intéressantes : « Dis-moi quels livres tu lis, je te dirai qui tu es ». (Ap. Fertiault, les Amoureux du livre, pp. 192-193.) Et Paul Stapfer (1840-….) : « Dis-moi quels auteurs, quels livres tu aimes à lire, je te dirai qui tu es et ce que tu peux faire. » (Ap. Fertiault, op. cit., p. 291.) Et, bien avant Doudan, avant Charles Blanc, Claudin, Stapfer et tutti quanti, un savant religieux du xviiie siècle, qui était un passionné liseur, dom Nicolas Jamin (1711-1782), a écrit de même, dans le Fruit de mes lectures (ap. Fertiault, op. cit., p. 231) : « Dites-moi quels livres vous lisez ordinairement, et, moi, je vous dirai qui vous êtes ».  ↩