Mot-clé : « Mézières (Alfred) »

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Le Livre, tome I, p. 214-238

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 214.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 214 [238]. Source : Internet Archive.

lence, dit M. Alfred Mézières (1826-….)[214.1] ; il nous a rendu les mondes anciens, latin et grec ; il a fait reculer toutes les barbaries, et il contient en lui, chaudes et vivaces, toutes les améliorations que nous doit, que nous donnera l’avenir. Travailler pour le Livre, c’est donc faire œuvre d’homme d’État, de philosophe, de prêtre laïc, de propagateur, de coopérateur et de semeur des idées généreuses, qui nous rendront plus douce la vie et plus facile l’espérance. »

Dans la Vie littéraire, dans la Religion des lettres, dans d’autres ouvrages encore, M. Albert Collignon (1839-….) s’est spécialement occupé du sujet que nous traitons ici, des livres et de la lecture. « L’art de lire a sa place dans l’art de vivre, écrit-il[214.2]. Les sensations les plus agréables, même les plus violentes, s’usent par la répétition, mais la lecture est un plaisir si varié, toujours si différent de lui-même, qu’il ne peut conduire à l’ennui. »

« Les Lettres sont la source paisible, charmante et féconde, d’où dérivent le bon style et la bonne vie, le bien dire et le bien agir, l’éloquence, l’art et l’hé­roïsme[214.3]. »

« On a parfois comparé, écrit encore M. Albert

[I.238.214]
  1.  Ap. Léon-Félix de Labessade, l’Amour du livre, p. 31. (Paris, Imprimerie nationale, 1904.)  ↩
  2.  La Vie littéraire, p. 8. (Paris, Fischbacher, 1896.)  ↩
  3.  Op. cit., p. 206.  ↩

Le Livre, tome I, p. 101-125

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 101.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 101 [125]. Source : Internet Archive.

Pétrarque, qui a bien mérité le nom de Restaurateur des lettres[100.1], fit connaître Sophocle à l’Italie ; cita Aristophane plus directement qu’on ne l’avait fait avant lui ; découvrit, dans la bibliothèque du chapitre de Vérone, les Lettres familières de Cicéron[100.2] ; et, en donnant à la république de Venise plusieurs manuscrits, posa ainsi, comme il le dit lui-même, les premiers fondements de la bibliothèque de Saint-Marc. Oubliés dans une petite pièce voisine des quatre chevaux de bronze qui ornent la façade de Saint-Marc, ces manuscrits s’y détériorèrent, et aujourd’hui il n’en subsiste qu’un très petit nombre[100.3].

Un autre illustre écrivain du même temps, Jean Boccace (1313-1375), fut aussi un grand ami des livres, qui sentait saigner son cœur à la vue des mutilations et profanations dont ils étaient victimes. Voici en quels termes un de ses commentateurs, Benvenuto

[I.125.101]
  1.  Cf. Mézières, op. cit., p. 328.  ↩
  2.  On montre encore à la bibliothèque Laurentienne (à Florence) un manuscrit des Lettres de Cicéron, Ad familiares, copiées par Pétrarque, gros recueil à épaisse couverture de bois garnie de cuivres, qui faillit coûter cher à son maître. Afin d’avoir toujours auprès de lui ce manuscrit, dont il se servait très fréquemment, Pétrarque l’avait mis debout « contre la porte de sa bibliothèque. Mais, en passant par là et en pensant à autre chose, il renversa plusieurs fois le livre qui vint chaque fois le frapper à la jambe gauche et à la même place. Il en résulta une blessure qu’il négligea d’abord, qui le fit ensuite beaucoup souffrir, qui le retint au lit plusieurs jours, et qui le mit en danger de perdre la jambe ». (Mézières, op. cit., p. 339.)  ↩
  3.  Lalanne, op. cit., pp. 227 et 191.  ↩

Le Livre, tome I, p. 099-123

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 99.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 99 [123]. Source : Internet Archive.

encore dans une de ses lettres[099.1], et cependant j’en ai peut-être plus qu’il ne faut…. Les livres nous charment jusqu’à la moelle, nous parlent, nous donnent des conseils, et sont unis à nous par une sorte de familiarité vivante et harmonieuse. »

« Pétrarque tombait dans l’hypocondrie quand il cessait de lire ou d’écrire…. Dans le cours de ses fréquents voyages, il écrivait partout où il s’arrêtait[099.2]. Un de ses amis, l’évêque de Cavaillon, craignant que l’ardeur avec laquelle le poète travaillait à Vaucluse n’achevât de ruiner sa santé, déjà très ébranlée, lui demanda un jour la clef de sa bibliothèque. Pétrarque la lui remit, sans savoir pourquoi son ami voulait l’avoir. Le bon évêque enferma dans cette bibliothèque livres et écritoires, et lui dit : « Je te défends de travailler pendant dix jours ». Pétrarque promit d’obéir, non sans un violent effort. Le premier jour lui parut d’une longueur interminable ; le second, il eut un mal de tête continu ; le troisième, il se sentit des mouvements de fièvre. L’évêque,

[I.123.099]
  1.  Ap. Mézières, Pétrarque, p. 332. (Paris, Didier, 1868.)  ↩
  2.  Il avait une veste de cuir, sur laquelle il écrivait, durant ses promenades, lorsqu’il manquait de papier ou de parchemin. Ce vêtement, couvert d’écriture et de ratures, était encore, en 1527, conservé par le cardinal Sadolet comme une précieuse relique littéraire. (Géraud, op. cit., pp. 9-10.) Cf. Pascal revenant « quelquefois de la promenade avec les ongles chargés de caractères qu’il traçait dessus avec une épingle : ces caractères lui remettaient dans l’esprit diverses pensées qui auraient pu lui échapper ». (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. IV, p. 599.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 010-034

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 10.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 10 [034]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 11.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 11 [035]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 12.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 12 [036]. Source : Internet Archive.

En tête des amis des livres dont Rome s’honore le plus, il convient de placer Cicéron (106-43 av. J.-C.), ce grand homme de lettres, ce beau génie, dont on a si bien dit qu’il est « le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire[010.1] ». C’est

[I.034.010]
  1.  Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome II, page 55, et Cahiers, p. 55. Ailleurs (Portraits littéraires, t. III, p 313). Sainte-Beuve parle de « cet amour pour Cicéron, qui est comme synonyme de pur amour des Lettres elles-mêmes ». Voir aussi Causeries du lundi, t. XIV, pp. 185 et s. Il n’est d’ailleurs pas d’ami des Lettres qui n’ait conçu pour le philosophe de Tusculum la plus reconnaissante affection, professé pour lui et pour ses écrits la plus haute admiration. Voici quelques-uns de ces fervents témoignages :
    « Salut, toi qui, le premier, fus appelé Père de la Patrie ; qui, le premier, as mérité le triomphe sans quitter la toge, et la palme de la victoire par la seule éloquence ; toi qui as donné la vie à l’art oratoire et aux lettres latines ; toi qui, au témoignage écrit du dictateur César, jadis ton ennemi, as conquis un laurier supérieur à celui de tous les triomphes, puisqu’il est plus glorieux d’avoir tant agrandi par le génie les limites du génie romain, que les limites de l’Empire par toutes les autres qualités réunies. » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VII, 31, trad. Littré, t. I, p. 298. Paris, Didot, 1877.) « Il me semble que c’est en s’attachant à imiter les Grecs que Cicéron s’est approprié la force de Démosthène, l’abondance de Platon et la douceur d’Isocrate. Toutefois, ce n’est pas seulement par l’étude qu’il est parvenu à dérober à chacun d’eux ce qu’il avait de meilleur ; la plupart des rares qualités, ou, pour mieux dire, toutes les qualités qui le distinguent, il les a trouvées en lui-même, dans la fécondité de son immortel génie ; car son éloquence, pour me servir d’une comparaison de Pindare, n’est pas comme un réservoir qu’alimentent des eaux pluviales, c’est comme une source vive et profonde qui déborde sans intermittence. On dirait qu’un dieu l’a créé pour essayer en lui jusqu’où pourrait aller la puissance de la parole. » (Quintilien, X, 1, trad. Panckoucke, t. III, p. 167. Paris, Garnier, s. d.) « L’amour de Pétrarque pour Cicéron allait jusqu’à l’enthousiasme. Il n’admettait pas qu’on pût lui comparer un seul prosateur de l’antiquité…. Pour Pétrarque, Cicéron est « un homme unique, une voix unique, un génie unique ». Il ne l’adore pas tout à fait comme un Dieu, mais « il l’admire et le vénère comme un homme d’un génie divin. » (Mézières, Pétrarque, p. 339. Paris, Didier, 1868.) « Ai-je fait quelques progrès en vieillissant ? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est que jamais Cicéron ne m’a plu autant qu’il me plaît dans ma vieillesse. Non seulement sa divine éloquence, mais encore sa sainteté inspirent mon âme et me rendent meilleur. C’est pour cela que je n’hésite pas à exhorter la jeunesse à consacrer ses belles années, je ne dis pas à lire et à relire ses ouvrages, mais à les apprendre par cœur. Pour moi, déjà sur le déclin de mes jours, je suis heureux et fier de rentrer en grâce avec mon Cicéron, et de renouveler avec lui une ancienne amitié trop longtemps interrompue. » (Érasme, ap. Albert Collignon, la Vie littéraire, p. 331.) « Que de fois, par un beau jour de printemps ou d’automne, lorsque tout me souriait, la jeunesse, la santé, le présent et l’avenir, ai-je relu, dans mes promenades, le Traité des Devoirs de Cicéron, ce code le plus parfait de l’honnêteté, écrit dans un style aussi clair et aussi brillant que le ciel le plus pur ! » (S. de Sacy, ap. Albert Collignon, la Religion des lettres, p. 183.) Cicéron « est tout simplement le plus beau résultat de toute la longue civilisation qui l’avait précédé. Je ne sais rien de plus honorable pour la nature humaine que l’état d’âme et d’esprit de Cicéron. » Etc. (Doudan, Lettres, t. III, p. 23.) « La beauté accomplie de l’élocution, la merveilleuse lucidité de l’exposition, la variété des aperçus, les trésors d’une érudition semée avec un goût et un tact extrêmes, la connaissance des hommes et des affaires, la sagacité et la multitude des points de vue, les emprunts nombreux et habiles faits aux philosophes de la Grèce et revêtus d’un style harmonieux et coloré, font du recueil des œuvres de Cicéron, complétées par la délicieuse collection de ses lettres familières, une encyclopédie d’une inestimable valeur. » (Albert Collignon, la Vie littéraire, pp. 292-293.) Cette diversité et cette abondance de choses, ce caractère encyclopédique des écrits de Cicéron, permet de leur appliquer ce mot, qui est de Cicéron lui-même : « Silva rerum ac sententiarum ». (Cf. Renan, Mélanges d’histoire et de voyages, p. 416.) Voir aussi le livre de M. G. Boissier, Cicéron et ses amis ; et infra, p. 239, l’éloge de Cicéron par les jansénistes Arnauld et Lancelot.  ↩