Mot-clé - Rouveyre (Édouard)

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Le Livre, tome III, p. 022-036

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 22.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 22 [036]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 23.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 23 [037]. Source : Internet Archive.

substances que le chiffon datent de loin déjà. On voit au British Museum un livre en langue hollandaise, publié en 1772, et imprimé sur 72 sortes de papiers provenant d’autant de matières diffé­rentes[022.1]. Quelques années plus tard, le marquis de Villette, l’ami de Voltaire, faisait imprimer à Orléans, sous la rubrique de Londres, un exemplaire de ses œuvres (Œuvres du marquis de Villette ; à Londres, 1786 ; in-18) « sur 20 sortes de papiers : papier d’écorce de tilleul, de guimauve, d’ortie, de houblon, de mousse, de roseau, etc., etc.[022.2] ».

[III.036.022]
  1.  Cf. Charles Laboulaye, Dictionnaire des arts et manufactures, art. Papier.  ↩
  2.  Charles Monselet, Curiosités littéraires et bibliographiques, p. 113. « Ce petit volume (du marquis de Villette) est curieux en ce qu’il est imprimé sur des papiers de couleurs fabriqués avec différents végétaux. L’épître dédicatoire à M. Ducrest a été composée par M. Leorier de l’Isle, [ou Léorier Delille, selon l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 30 septembre 1905, col. 470 ; ou encore, d’après Larousse, Léorier Delisle], fabricant de papier, qui annonce avoir soumis à la fabrication du papier toutes les plantes, les écorces et les végétaux les plus communs. Il a joint à ce volume des échantillons, qui sont les extraits de ses expériences, et il a cherché à prouver qu’on pouvait substituer aux matières ordinaires du papier d’autres matières les plus inutiles. Les Œuvres du marquis de Villette, en 156 pages, sont imprimées sur papier de guimauve [sur papier d’écorce de tilleul, dit l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, ibid.] ; ensuite on trouve vingt feuillets composés chacun d’une substance différente, savoir : papier d’ortie, papier de houblon, papier de mousse, papier de roseaux, papier de conferva 1re espèce, papier d’écorce d’osier, papier d’écorce de marsaut, papier d’écorce de saule, papier d’écorce de peuplier, papier d’écorce de chêne, papier de conferva 2e espèce, papier de conferva 3e espèce, papier de racines de chiendent, papier de bois de fusain, papier de bois de coudrier, papier d’écorce d’orme, papier d’écorce de tilleul, papier de feuilles de bardane et de pas-d’âne, papier de feuilles de chardons. On est surpris de ne point trouver de papier de paille dans ce recueil, l’auteur ayant soumis tant d’autres substances à ses procédés. » (Édouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, t. VIII, p. 202, 5e édit.) Sur le fabricant de papier Leorier (sic) de Liste, ou Léorier (sic) Delille, né à Valence (Dauphiné), en 1744, mort à Montargis, en 1826, voir l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 30 septembre 1905, col. 470-473 ; et les dictionnaires de Rabbe, Michaud, Larousse,  etc.  ↩

Le Livre, tome II, p. 343-359

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 343.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 343 [359]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 344.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 344 [360]. Source : Internet Archive.

revint que tout taché d’encre et dans le plus pitoyable état. Sur une des pages, la page 61, en regard de la plus grosse tache, Chénier écrivit alors (1781) ces lignes :

« J’ai prêté, il y a quelques mois, ce livre à un homme qui l’avait vu sur ma table, et me l’avait demandé instament (sic). Il vient de me le rendre en me faisant mille excuses. Je suis certain qu’il ne la pas lu. Le seul usage qu’il en ait fait a été d’y renverser son écritoire, peut-être pour me montrer que, lui aussi, il sait commenter et couvrir les marges d’encre. Que le bon Dieu lui pardone (sic) et lui ôte à jamais l’envie de me demander des livres[343.1] ! »

C’est le cas de rappeler le « mirlito­nesque »[343.2] distique, dont Charles Nodier, Guilbert de Pixérécourt, d’autres encore, se disputent la paternité[343.3] :

Tel est le triste sort de tout livre prêté,
Souvent il est perdu, toujours il est gâté ;

et le fameux sixain de Guillaume Colletet, que, par une singulière erreur, provenant sans doute et uniquement de l’assonance, on attribue fréquemment à Condorcet[343.4] :

[II.359.343]
  1.  L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 août 1893, col. 127.  ↩
  2.  L’épithète est de M. Octave Uzanne, op. cit., t. I, p. 36.  ↩
  3.  Cf. Octave Uzanne, op. cit., ibid. ; Jules Richard, l’Art de former une bibliothèque, p. 41 ; l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 août 1879, col. 401 ; etc.  ↩
  4.  Voir, entre autres, pour cette attribution à Condorcet, Jules Janin, l’Amour des livres, pp. 60-61 ; Édouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, 3e édit., t. I, p. 92 ; Yve-Plessis, Petit Essai de biblio-thérapeutique, p. 20 ; etc. Sur la paternité de Colletet, voir l’intermédiaire des chercheurs et curieux, 10 et 25 février 1878, col. 65 et 122. A part une épître A un jeune Polonais exilé en Sibérie, Condorcet, qui s’est surtout occupé de science et de politique, n’a jamais écrit de vers.  ↩

Le Livre, tome II, p. 288-304

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 288.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 288 [304]. Source : Internet Archive.

chez le relieur. Mais une fois qu’il avait été condamné à mort par le dédain ou l’oubli des acquéreurs ordinaires, il ne tardait pas à être mis en pièces et destiné à divers usages, selon la qualité du papier. Le papier fort, bien collé, des anciens livres, servait à faire des sacs pour les treilles ; le petit papier, de format in-8 et in-4. fournissait des sacs à l’épicerie ; le petit papier mou et spongieux, sans résistance et sans solidité, était fondu pour faire des cartonnages. Que Dieu fasse paix à l’âme du bon et respectable Quillet, malgré les massacres de livres qu’il a si longtemps exécutés de sa propre main et non sans une affreuse jouissance ! « Bon an, mal an, me disait-il un jour en riant dans sa barbe, je travaille plus de 50 000 volumes. Mais, ajoutait-il avec onction, je ménage les livres de piété, car je les vends toujours bien, et tout habillés. »

Un autre fameux « équarrisseur » fut le libraire Devilly père, qui utilisa de la sorte les achats considérables, faits par lui, pendant la période révolutionnaire, « de livres et de manuscrits saisis par le district. Durant plusieurs années, conte M. Bégin[288.1], la principale occupation de Mme Devilly la mère, femme d’esprit et d’ailleurs très respectable, fut de séparer du texte les miniatures qui l’illustraient. On

[II.304.288]
  1.  E.-A. Béguin, Mémoires de l’Académie de Metz, xxive année, ap. Édouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, 5e édit., t. VIII, pp. 86-87, notes.  ↩

Le Livre, tome II, p. 286-302

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 286.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 286 [302]. Source : Internet Archive.

d’un chapitre, lui avait fourni, pendant plusieurs années, des cahiers de fort beaux manuscrits grand in-folio, dont il s’était servi pour faire des bandes et prendre la mesure des habits qu’il faisait. Il en montra quelques restes, où il était encore facile de se rendre compte que c’étaient des manuscrits du xiie siècle[286.1]. »

La cordonnerie pour dames accomplit, pendant plus de vingt-cinq ans, au dire du bibliophile Jacob[286.2], « une effroyable hécatombe de livres anciens ». Voici comment :

« Le quartier qui forme le talon de la chaussure a besoin d’être fortifié par une doublure en cuir plus mince et plus rigide que celui de l’empeigne ; mais le pied délicat des femmes ne s’accommode pas de ce quartier dur et solide[286.3], qui soutient le quartier d’un soulier d’homme. Les cordonniers avaient donc imaginé de doubler le quartier des chaussures de dames avec de la peau de veau ou de mouton déjà assouplie, qu’ils empruntaient à la reliure des vieux livres. On voit d’ici l’objet principal du travail de l’équarrisseur de vieux livres. Les peaux de veau ou

[II.302.286]
  1.  Abbé Lebeuf, ap. Édouard Rouveyre, op. cit., 5e edit., t. VIII, p. 86.  ↩
  2.  Le commerce des livres anciens, dans les Miscellanées bibliographiques, publiées par Édouard Rouveyre et Octave Uzanne, t. II, pp. 75-76.  ↩
  3.  Il faudrait plutôt, il me semble : de cette doublure en cuir dur et solide, qui soutient le quartier, etc.  ↩

Le Livre, tome II, p. 285-301

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 285.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 285 [301]. Source : Internet Archive.

pas été la proie des épiciers du barbare moyen âge ?

« L’épicier du xixe siècle a déclaré une guerre à mort aux parchemins, sans doute en haine de la noblesse. L’âge d’or de l’épicerie date de la Révolution française, car la docte congrégation de Saint-Maur et la confrérie des épiciers ne pouvant subsister ensemble, l’une a tué l’autre.

Ah ! doit-on hériter de ceux qu’on assassine !

Le bénédictin faisait des livres, maintenant l’épicier en défait[285.1]. »

Les tailleurs et les cordonniers ont été aussi de terribles « équarrisseurs de livres ». L’abbé Lebeuf, l’historien du diocèse de Paris, nous conte que M. Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, sortant, après cinq ans de captivité, du donjon de Vincennes, où Richelieu l’avait fait enfermer pour cause de jansénisme, entra chez un tailleur et se fit prendre mesure d’un habit. Là, « il s’aperçut que le misérable artisan avait découpé les bandes sacrilèges, servant à prendre les mesures, dans les Œuvres de saint Augustin en grand papier, que le cardinal de Richelieu avait fait saisir dans la prison de son inflexible ennemi[285.2] ».

Un tailleur d’habits, de la même époque sans doute, « racontait qu’un archiviste, ou garde-titre

[II.301.285]
  1.  P. L. Jacob, les Amateurs de vieux livres, p. 40. (Paris, Rouveyre, 1880.)  ↩
  2.  Ap. Édouard Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, 5e édit., t. VIII, p. 86.  ↩

Le Livre, tome I, p. 222-246

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 222.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 222 [246]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 223.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 223 [247]. Source : Internet Archive.

sous de frais ombrages : celui qui vous ignore continue à marcher d’un pied fatigué, ou tombe épuisé sur la route ; celui qui vous connaît, nymphes bienfaisantes, accourt à vous, rafraîchit son front brûlant, lave ses mains flétries, et rajeunit en vous son cœur. Vous êtes éternellement belles, éternellement pures, clémentes à qui vous revient, fidèles à qui vous aime. Vous nous donnez le repos, et, si nous savons vous adorer avec une âme reconnaissante et un esprit intelligent, vous y ajoutez par surcroît quelque gloire. Qu’il se lève d’entre les morts et qu’il vous accuse, celui que vous avez trompé ! »

Cette superbe apothéose des Lettres mérite d’avoir pour corollaire ou pendant l’admirable page que Silvestre de Sacy (1801-1887), dans la péroraison de son article sur le Catalogue de la bibliothèque de feu J.-J. de Bure, a consacrée à sa propre bibliothèque et où il lui adresse ses adieux, cette émouvante et mémorable oraison funèbre, tant de fois citée[222.1], et qui est comme la « Tristesse d’Olym-

[I.246.222]
  1.  Et tant de fois altérée et faussée, car cette célèbre invocation a eu le sort des Provinciales et des Pensées de Pascal, « qu’on tronque toujours quand on le cite », selon la piquante remarque de M. Ferdinand Brunetière (Histoire et Littérature, t. I, p. 314). Comme exemples de ces inexactitudes et déformations, cf. Fontaine de Resbecq, Voyages littéraires sur les quais de la Seine, p. 134 ; — Rouveyre, Connaissances nécessaires à un bibliophile, 3e édit., t. II, pp. 163-164 ; — etc. Le pieux Jean Darche a fait mieux : il s’est approprié le texte, l’a démarqué et rebaptisé, puis l’a terminé en sermon : « O mes livres, mes chers livres, à moins que mes enfants soient dignes de vous posséder et qu’ils aient du Ciel le don de vous savoir apprécier et goûter, mes bien-aimés livres, un jour peut-être vous serez mis en vente ; d’autres vous achèteront et vous posséderont, possesseurs moins dignes de vous sans doute que votre maître actuel ! Ils sont bien à moi pourtant, ces livres, je les ai tous choisis un à un…. Mais, ô mon Dieu ! rien n’est stable en ce monde ! et ce sera bien ma faute si…. Amen ! » (Essai sur la lecture, pp. 374-375.) — Cet article de Silvestre de Sacy a paru dans le Journal des Débats du 25 octobre 1853, et il fait partie des Variétés littéraires, morales et historiques de cet écrivain (Paris, Didier-Perrin, 1884, 2 vol. in-12, 5e édit. : la 1re édit. est de 1858), t. I, pp. 242-255. « L’article mémorable… chef-d’œuvre de M. de Sacy, a été celui du mardi 25 octobre 1853, sur le Catalogue de la bibliothèque de feu J.-J. de Bure. » (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XlV, p. 191.)  ↩