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Le Livre, tome II, p. 120-136

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 120.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 120 [136]. Source : Internet Archive.

Religion et morale

Philosophie politique et morale
Histoire naturelle, etc.

[II.136.120]
  1.  Mably est à présent bien oublié et dépassé.  ↩
  2.  Dans sa lettre Du moyen de dresser une bibliothèque… (Œuvres, t. X, p. 116), La Mothe-Le Vayer dit que Pline l’Ancien est, à lui seul, « une bibliothèque entière » ; et Le Gallois, dans son Traité des plus belles bibliothèques de l’Europe (p. 2), confirme cet éloge par ce distique :
    •  Quid juvat innumeris repleri scrinia libris ?
      Unus præ cunclis Plinius esse potest.  ↩

Le Livre, tome II, p. 063-079

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 063.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 063 [079]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 064.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 064 [080]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 065.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 065 [081]. Source : Internet Archive.

ordre et sans desseing, à pièces descousues[063.1] ». « Les abeilles pillotent deçà delà les fleurs ; mais elles en font après le miel, qui est tout leur ; ce n’est plus thym ni marjolaine : ainsi les pièces empruntées d’aultruy, il (un enfant, le fils de la comtesse de Gurson, — et c’est surtout ce qu’a fait Montaigne lui-même) les transformera et confondra pour en faire un ouvrage tout sien, à savoir son jugement[063.2]…. »

Étienne Pasquier de même : « Tout ainsi que l’abeille sautelle d’une fleur à autre, pour prendre sa petite pâture dont elle forme son miel, aussi lis-je ores l’un, ores un autre auteur, comme l’envie m’en prend[063.3] ».

C’est le mot de Lucrèce :

Floriferis ut apes in saltibus omnia libant (ou limant),
Omnia nos itidem depascimur aurea dicta[063.4].

[II.079.063]
  1.  Essais, livre III, chap. iii ; t. III, p. 366. (Paris, Charpentier, 1862.)  ↩
  2.  Montaigne, op. cit., livre I, chap. xxv ; t. I, p. 205.  ↩
  3.  Cf. supra, t. I, pp. 121-122.  ↩
  4.  « De même que l’abeille recueille tout nectar dans les prés en fleur, nous aspirons tout le suc de tes paroles d’or. » (De la nature des choses, III, vers 11-12 ; p. 145 ; Paris, Lefèvre, 1845.) La même comparaison reparaît bien souvent chez les anciens comme chez les modernes : cf. Horace (Odes, IV, 2, trad. Panckoucke, p. 114 ; Paris, Garnier, 1866) : « Ego, apis Matinæ », etc. : « Pour moi, semblable à l’abeille du mont Matinus, qui va butiner laborieusement sur le thym odoriférant, j’erre dans les bois et près des ruisseaux qui arrosent Tibur ; et là, faible poète, je forge péniblement mes vers » ; et Sénèque (Lettres à Lucilius, 84, trad. Baillard. p. 243 ; Paris, Hachette, 1860) : « Imitons, comme on dit, les abeilles, qui voltigent çà et là, picorant les fleurs propres à faire le miel, qui ensuite disposent et répartissent tout le butin par rayons…. » ; et Plutarque (Comment il faut lire les poètes, trad. Amyot, t. VIII, p. 100 ; Paris, Bastien, 1784) : « Or tout ainsi comme ès pasturages l’abeille cherche pour sa nourriture la fleur, » etc. (cf. supra, t. I, p. 137, note). Gilles Ménage écrit (Ménagiana, ap. Fertiault, les Amoureux du livre, p. 253) : « Entre tous les livres que l’on lit, il y en a beaucoup où l’on ne trouve presque rien de bon. En cela il faut imiter les abeilles ; elles voltigent sur toutes les fleurs, mais elles ne tirent pas de toutes de quoi faire du miel : « Apes in omnibus quærunt, non ex omnibus carpunt ». Et La Fontaine (Discours à Mme de la Sablière : Œuvres, t. IX, p. 186 ; Paris, Hachette, 1892. Collection des Grands Écrivains) :
    •  Papillon du Parnasse, et semblable aux abeilles
      A qui le bon Platon compare nos merveilles,
      Je suis chose légère, et vole à tout sujet ;
      Je vais de fleur en fleur, et d’objet en objet.

     Boileau (Discours au roi : Œuvres complètes, t. I, p. 33 ; Paris, Hachette, 1867) :

    •  Comme on voit au printemps la diligente abeille
      Qui du butin des fleurs va composer son miel,
      Des sottises du temps je compose mon fiel.

     J.-B. Rousseau (Odes, III. i, à M. le comte du Luc : Œuvres lyriques, p. 160 ; Paris, Dezobry, 1852) :

    •  Et, semblable à l’abeille en nos jardins éclose,
      De différentes fleurs j’assemble et je compose
      Le miel que je produis.

     André Chénier (Élégies, IV ; Poésies, p. 79; Paris, Charpentier, 1861) :

    •  Ainsi, bruyante abeille, au retour du matin,
      Je vais changer en miel les délices du thym.

     Et ces considérations d’Édouard Charton (1807-1890), (le Tableau de Cébès, notes, pp. 170-171 ; Paris, Hachette, 1882) : « … Ce pourrait être la devise des abeilles. S’il n’est pas inutile de chercher parmi les animaux, nos « frères inférieurs », comme les appelle Michelet, des exemples à suivre, je n’en connais aucun qui soit plus digne de notre attention que celui de l’abeille. L’œuvre de sa vie est excellente et d’une parfaite unité. Jamais le laborieux insecte ailé ne s’attarde sur les plantes d’où il n’a rien à tirer de bon ; il les fuit. Quelquefois, dans un intérêt d’observation scientifique, on a essayé de le tromper en plaçant sur son passage, dans les parterres, des fleurs artificielles semblables à celles qu’elle cherche ; non ! les abeilles ont plané au-dessus une seconde à peine : leur merveilleux instinct leur a fait découvrir aussitôt la supercherie. Il n’y avait rien là pour leur servir à faire leur miel, et elles n’avaient pas de temps à perdre. »
    Etc., etc.  ↩

Le Livre, tome I, p. 304-328

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 304.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 304 [328]. Source : Internet Archive.

Le Livre, tome I, p. 206-230

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 206.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 206 [230]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 207.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 207 [231]. Source : Internet Archive.

nuelle joie de ma vie. » Et voici le plan de conduite que ce véritable et pur homme de Lettres s’était tracé dès ses débuts, son admirable profession de foi, digne d’être proposée comme modèle à tous ceux qui aiment et cultivent les Lettres : « … Le désir de la réputation littéraire me venait quelquefois, sans me troubler ni m’enflammer ; celui de la fortune, jamais. De bonne heure — et c’est peut-être le seul point par où je suis réellement ce qu’on nomme un original — j’ai fait un pacte avec la pau­vreté[206.1]. Ce

[I.230.206]
  1.  On connaît l’admirable panégyrique de la pauvreté tracé par Proudhon, dans la Guerre et la Paix (t. II, pp. 183-185) :  « … Acceptez virilement la situation qui vous est faite, et dites-vous, une fois pour toutes, que le plus heureux des hommes est celui qui sait le mieux être pauvre. L’antique sagesse avait entrevu ces vérités. Le christianisme posa le premier, d’une manière formelle, la loi de pauvreté en la ramenant toutefois, comme c’est le propre de tout mysticisme, au sens de sa théologie. Réagissant contre les voluptés païennes, il ne pouvait considérer la pauvreté sous son vrai point de vue ; il la fit souffrante dans ses abstinences et dans ses jeûnes, sordide dans ses moines, maudite du ciel dans ses expiations. A cela près, la pauvreté glorifiée par l’Évangile est la plus grande vérité que le Christ ait prêchée aux hommes. La pauvreté est décente ; ses habits ne sont pas troués, comme le manteau du cynique ; son habitation est propre, salubre et close ; elle change le linge une fois au moins par semaine ; elle n’est ni pâle ni affamée. Comme les compagnons de Daniel, elle rayonne de santé en mangeant ses légumes ; elle a le pain quotidien, elle est heureuse. La pauvreté n’est pas l’aisance ; ce serait déjà, pour le travailleur, de la corruption. Il n’est pas bon que l’homme ait ses aises ; il faut, au contraire, qu’il sente toujours l’aiguillon du besoin. L’aisance serait plus encore que de la corruption : ce serait de la servitude ; et il importe que l’homme puisse, à l’occasion, se mettre au-dessus du besoin et se passer même du nécessaire. Mais la pauvreté n’en a pas moins ses joies intimes, ses fêtes innocentes, son luxe de famille, luxe touchant, que fait ressortir la frugalité accoutumée du ménage. A cette pauvreté inévitable, loi de notre nature et de notre société, il est évident qu’il n’y a pas lieu de songer à nous soustraire. La pauvreté est bonne, et nous devons la considérer comme le principe de notre allégresse. La raison nous commande d’y conformer notre vie, par la frugalité des mœurs, la modération dans les jouissances, l’assiduité au travail, et la subordination absolue de nos appétits à la justice. Comment se fait-il maintenant que cette même pauvreté, dont l’objet est d’exciter en nous la vertu et d’assurer l’équilibre universel, nous pousse les uns contre les autres et allume la guerre entre les nations ? » Etc. Cf. Sénèque, Lettres à Lucilius, 2 (t. II. p. 3, trad. Baillard) : « .… La belle chose, s’écrit-il (Épicure) que le contentement dans la pauvreté ! » « Mais il n’y a plus pauvreté, s’il y a contentement. Ce n’est point d’avoir peu, c’est de désirer plus, qu’on est pauvre. » Etc. Cf. aussi l’érudit et célèbre philologue Joseph Scaliger, de mœurs si simples, déclarant « qu’il avait toujours eu la pauvreté pour compagne. » (Larousse, Grand Dictionnaire.) Comme conclusion, constatons que les meilleures choses de la vie, la santé, l’affection, l’intelligence, l’esprit, etc., sont celles qu’on ne peut acquérir avec de l’argent.  ↩

Le Livre, tome I, p. 171-195

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 171.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 171 [195]. Source : Internet Archive.

cher ensemble et de n’avoir mal ni à l’âme ni au corps », écrit l’aimable et sage Ducis (1735-1816)[171.1], précisément à Bernardin de Saint-Pierre.

C’est Ducis encore qui, d’accord avec sa devise : Bene vixit qui bene latuit, disait[171.2] : « La solitude est plus que jamais pour mon âme ce que les cheveux de Samson étaient pour sa force corporelle ».

L’âpre moraliste Chamfort (1741-1794) déclare qu’ « il faut vivre, non avec les vivants, mais avec les morts, » c’est-à-dire avec les livres[171.3]. C’est lui

[I.195.171]
  1.  Lettre du 6 pluviôse an XII, Lettres de Ducis, édit. Paul Albert, p. 163. (Paris, Jousset, 1879.)  ↩
  2.  Lettre du 22 ventôse an XII, op. cit., p. 169 ; et lettre du 2 avril 1815, op. cit., p. 376. Cf. aussi Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. IV, p. 384.  ↩
  3.  Dialogue XXIV (Œuvres choisies, t. I, p. 184. Paris, Dubuisson, Bibliothèque nationale, 1866. 3 vol. in-16). Cf. la réponse de L’oracle à Zénon le stoïcien sur le meilleur genre de vie et la règle capitale de conduite à adopter : « Converse avec les morts » (avec les livres). Et, selon le conseil du bibliographe lyonnais Bollioud-Mermet (1709-1793) (Essai sur la lecture, p. 124 ; Lyon, Duplain, 1765) : « Que le commerce des morts nous apprenne à converser avec les vivants ». « … Accoutumons-nous de bonne heure à connaître le prix de la lecture, à l’aimer, à la goûter, à la faire fructifier en nous, dit encore Bollioud-Mermet. (Ibid.) Consacrons-lui notre loisir. Comprenons que l’état de l’homme oisif et sans étude est une privation de vie, une sorte de sépulture : « Otium sine litteris mors est, et hominis vivi sepultura ». (Sénèque, Epistolæ, 82.) Ne bornons pas notre zèle à une spéculation vaine et stérile…. Que le bon usage des livres justifie le choix que nous en aurons fait ; et que la doctrine saine que nous y puiserons soit toujours la base de nos maximes, le principe de nos actions, la règle enfin de nos devoirs, de nos mœurs et de notre conduite. »  ↩

Le Livre, tome I, p. 136-160

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 136.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 136 [160]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 137.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 137 [161]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 138.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 138 [162]. Source : Internet Archive.

Mazarine, « fut de nouveau, en 1691, ouverte aux gens de lettres[136.1] ». Elle comprenait alors environ quarante-cinq mille volumes, dont douze mille in-folio ; on y comptait soixante mille auteurs[136.2].

Le nom de Gabriel Naudé (1600-1653), le fidèle et dévoué bibliothécaire de Richelieu et de Mazarin, est resté cher aux bibliophiles. La passion de Naudé pour les livres s’était manifestée dès sa jeunesse, et il avait pu la satisfaire de bonne heure, car il entrait dans sa vingtième année quand le président de Mesmes lui donna la direction de sa biblio­thèque[136.3]. Gabriel Naudé est l’auteur d’un intéressant opuscule : Advis pour dresser une bibliothèque, où il dit[136.4], entre autres choses ingénieuses, que les bibliothèques ne peuvent « mieux estre comparées qu’au pré de Sénèque, où chaque animal trouve ce qui luy est propre : Bos herbam, canis leporem, ciconia lacertum[136.5], » et où il conseille « de retrancher la des-

[I.160.136]
  1.  Alfred Franklin, op. cit., t. III, p. 42. Voir aussi Petit-Radel, Recherches sur les bibliothèques anciennes et modernes, Bibliothèque Mazarine, pp. 295 et s.  ↩
  2.  Alfred Franklin, op. cit., t. III, p. 57.  ↩
  3.  Id., op. cit., t. III, p. 39.  ↩
  4.  Chap. iii, p. 24. (Paris, Liseux, 1876.)  ↩
  5.  « Ne t’étonne pas que chaque esprit exploite le même sujet selon ses goûts. Dans le même pré, le bœuf cherche de l’herbe, le chien un lièvre, la cigogne des lézards. Qu’un philologue, un grammairien et un philosophe prennent tous trois la République de Cicéron, chacun porte ses réflexions sur un point différent. » Etc. (Sénèque, Lettres à Lucilius, CVIII, trad. Baillard, t. II, p. 387.) Dans sa lettre LXXXIV (pp. 243 et s.), Sénèque a encore considéré la lecture comme « l’aliment de l’esprit », et l’a comparée aux aliments absorbés par le corps. « Tant que nos aliments conservent leur substance première et nagent inaltérés dans l’estomac, c’est un poids pour nous ; mais ont-ils achevé de subir leur métamorphose, alors enfin ce sont des forces, c’est un sang nouveau. Suivons le même procédé pour les aliments de l’esprit. A mesure que nous les prenons, ne leur laissons pas leur forme primitive, leur nature d’emprunt. Digérons-les : sans quoi ils s’arrêtent à la mémoire et ne vont pas à l’intelligence. » Etc. Cf. aussi Plutarque (Comment il faut lire les poètes, trad. Amyot, t. VIII, p. 100 ; Paris, Bastien, 1784) : « Or tout ainsi comme ès pasturages l’abeille cherche pour sa nourriture la fleur, la chèvre la feuille verte, le pourceau la racine, et les autres bestes la semence et le fruit, aussi en la lecture des poèmes, l’un en cueille la fleur de l’histoire, l’autre s’attache à la beauté de la diction et à l’élégance et doulceur du langage ». Etc. Richard de Bury, dans son Philobiblion (chap. xiv, pp. 125 et 260, trad. Cocheris), a dit que « Dieu… connaissait assez la fragilité de la mémoire humaine et la mobilité de la volonté vertueuse dans l’homme, pour vouloir que le livre fût l’antidote de tous les maux, et nous en ordonner la lecture et l’usage comme un aliment quotidien et très salubre de l’esprit ». Gabriel Peignot (Traité du choix des livres, p. 7) a fait la même comparaison : « … Si vous admettez quelques-uns (de ces mauvais livres ou) de ces livres médiocres… votre bibliothèque ressemblera à une table bien servie, où, parmi de bons mets, il s’en trouvera quelques-uns saupoudrés de coloquinte, d’autres infectés de poison, et plusieurs dépourvus d’assaisonnement. » Et N.-V. de Latena (1790-1881) : « Les meilleurs livres, comme les meilleurs aliments, sont ceux qui, sous le moindre volume, contiennent le plus de nourriture saine et substantielle. » (Ap. Fertiault, les Amoureux du livre, pp. 243-244.) Etc. Remarquer, d’ailleurs, que le mot nourriture s’appliquait autrefois aussi bien à l’esprit qu’au corps, désignait aussi bien les aliments intellectuels que les aliments matériels : cf. Littré, Dictionnaire, et la phrase de Saint-Simon citée page 161.  ↩

Le Livre, tome I, p. 043-067

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 43.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 43 [067]. Source : Internet Archive.

livres pieux, et en forma une importante collection à Constantinople. L’empereur Julien dit l’Apostat (331-363) voulut supprimer cette bibliothèque, ce qui ne l’empêcha pas d’en fonder deux autres, l’une aussi à Constantinople, et l’autre à Antioche ; sur le frontispice de ces établissements il avait fait graver cette sentence, officiel aveu de sa constante passion pour les livres : « Alii quidem equos amant, alii aves, alii feras ; mihi vero a puerulo mirandum acquirendi et possidendi libros insedit desiderium[043.1] ».

« Ces collections publiques ne durent pas peu contribuer à entretenir chez les particuliers l’amour des livres. Déjà, du temps de Sénèque, le luxe des bibliothèques était poussé à Rome à un degré inimaginable. Une bibliothèque était regardée dans une maison comme un ornement nécessaire ; aussi en trouvait-on jusque chez les gens qui savaient à peine lire, et [certaines étaient] si considérables que la lecture des titres des livres aurait seule rempli la vie du propriétaire[043.2]. C’est vers ce temps que vint à Rome le grammairien Épaphrodite de Chéronée, qui ramassa jusqu’à trente mille volumes de choix. Plus tard, Sammonicus Severus, précepteur de Gordien

[I.067.043]
  1.  Diderot, Encyclopédie, art. Bibliothèque, Œuvres complètes, t. XIII, pp. 446-447. « Les uns aiment les chevaux, d’autres les oiseaux, d’autres les bêtes sauvages ; moi, dès l’enfance, j’ai été saisi d’un prodigieux désir d’acheter et de posséder des livres. »  ↩
  2.  Sénèque, De la tranquillité de l’âme, ix . Cf. supra, pp. 16-17.  ↩

Le Livre, tome I, p. 028-052

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 28.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 28 [052]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 29.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 29 [053]. Source : Internet Archive.

côtés de l’entrée, couvertes d’inscriptions indiquant les ouvrages en vente et les noms de leurs auteurs ; et, ainsi que nous le verrons plus loin, les murs intérieurs étaient garnis de rayons disposés en casiers, comme nos magasins de papiers peints.

Les lectures publiques, les « conférences », étaient très fréquentes dans la Rome impériale. Elles commencèrent sous Auguste, et l’usage en fut introduit par Asinius Pollion[028.1]. « Auparavant on se contentait de lire ou de faire lire les ouvrages durant les repas, chez soi ou chez ses amis. Cicéron, par exemple, envoyant de Pouzzoles son traité De la gloire à Atticus qui était à Rome, lui recommande de ne pas le publier, mais d’en noter les plus beaux endroits, qu’il pourra faire réciter à table par son lecteur Salvius, devant des auditeurs bien disposés[028.2]. Mais déjà la vanité s’était emparée de cette coutume, et les mauvais écrivains, sous prétexte de donner à dîner à leurs amis, leur infligeaient, comme un accessoire obligé, l’audition de leurs rapsodies[028.3]. Cet

[I.052.028]
  1.  Sénèque, ap. Géraud, op. cit., p. 188.  ↩
  2.  Cicéron, ap. Géraud, ibid.  ↩
  3.  Cf. Catulle, XLIV, A sa terre (trad. Nisard, pp. 391-392) :
    •  · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
      Nec deprecor jam, si nefaria scripta
      Sexti recepso, quin gravedinem, et tussim
      Noti mi, sed ipsi Sextio ferat frigus,
      Qui tunc vocat me, quum malum legit librum.

     « Je désire, si je reçois encore les détestables écrits de Sextius, que leur froideur donne une toux et un catarrhe, non plus à moi, mais à Sextius lui-même, qui m’appelle quand il a un mauvais ouvrage à lire. »
    Et Martial : III, 50 (trad. Nisard, pp. 379-380) :

    •  Hæc tibi, non alia, est ad cœnam causa vocandi,
      Versiculos recites ut, Ligurine, tuos.
      Etc.

     « Tu n’as pas d’autre motif, Ligurinus, en appelant des convives, que de leur réciter de petits vers à ta façon. A peine ai-je ôté mes sandales que, soudain, parmi les laitues et les sauces piquantes, on apporte un énorme livre. Tu en lis un second au premier service ; un troisième avant l’arrivée du service suivant ; enfin tu ne nous fais grâce ni d’un quatrième ni d’un cinquième. Un sanglier que tu nous servirais tant de fois sentirait mauvais. Que si tu ne fais pas servir tes maudits poèmes à envelopper des maquereaux, dorénavant, Ligurinus, tu souperas seul. »  ↩

Le Livre, tome I, p. 018-042

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 18.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 18 [042]. Source : Internet Archive.

choisis une pensée pour la bien digérer ce jour-là. C’est aussi ce que je fais : dans la quantité de choses que j’ai lues, je m’empare d’un trait unique. Voici mon butin d’aujourd’hui, c’est chez Épicure que je l’ai trouvé, car j’ai coutume aussi de mettre le pied dans le camp ennemi, non comme transfuge, mais comme éclaireur : « La belle chose, s’écrie-t-il, que « le contentement dans la pauvreté ! » Mais il n’y a plus pauvreté s’il y a contentement[018.1]. » Etc.

Pline l’Ancien, ou le Naturaliste (23-79 ap. J.-C.), qui avait l’habitude de dire ce mot, tant de fois répété : « Il n’y a si mauvais livre où l’on ne puisse trouver quelque chose d’utile », Nullum esse librum tam malum, ut non aliqua parte prodesset[018.2], nous apprend que la coutume de placer dans les bibliothèques des bustes et portraits d’hommes célèbres prit naissance de son temps. « Il ne faut pas omettre ici une invention nouvelle : maintenant on consacre en or, en argent, ou du moins en bronze, dans les bibliothèques, ceux dont l’esprit immortel parle encore en ces mêmes lieux ; on va même jusqu’à refaire d’idée les images qui n’existent plus ; les regrets prêtent des traits à des figures que la tradition n’a point transmises, comme il est arrivé pour Homère…. L’idée de réunir ces portraits est, à

[I.042.018]
  1.  Sénèque, Lettre à Lucilius, 2 : t. II. pp. 2-3.  ↩
  2.  Ap. Pline le Jeune, Lettres, III, 5. trad. Sacy, t. I p. 190. (Paris, veuve Barbou, 1808.)  ↩

Le Livre, tome I, p. 015-039

Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 15.
Albert Cim, Le Livre, t. I, p. 15 [039]. Source : Internet Archive.

Sénèque (3-65 ap. J.-C.) est un des écrivains qui ont le mieux parlé des livres et de l’étude.

« Le loisir sans les lettres est une mort, déclare-t-il : c’est la sépulture d’un homme vivant[015.1]. »

« Réfugie-toi dans l’étude, dit-il ailleurs, tu échapperas à tous les dégoûts de l’existence[015.2]. »

« Celui-là cultive de vrais amis qui cherche tous les jours à se familiariser davantage avec un Zénon, un Pythagore, un Démocrite, un Aristote, un Théophraste, et tous ces autres oracles de la morale et de la science…. Nul n’a eu le privilège de se choisir ses aïeux, dit-on tous les jours ; c’est le sort qui les donne. On se trompe : l’homme peut désigner à qui il devra sa naissance. Il y a des familles de nobles génies : à laquelle veux-tu appartenir ? Choisis, et non seulement son nom, mais ses richesses seront les tiennes[015.3]. »

Ailleurs encore, Sénèque nous donne d’excellents conseils sur l’achat des livres, nous trace tout un programme, toujours exact et toujours bon à méditer, du choix à faire dans nos lectures et de la meilleure manière d’en tirer profit :

« Rien de plus noble, écrit-il, que la dépense

[I.039.015]
  1.  Lettres à Lucilius, 82. (Sénèque le Philosophe, Œuvres complètes, trad. Baillard, t. II, p. 232. Paris, Hachette, 1861.)  ↩
  2.  De la tranquillité de l’âme, iii ; t. I. p. 242.  ↩
  3.  De la brièveté de la vie, xiv et xv ; t. I. pp. 329 et 330.  ↩