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Le Livre, tome III, p. 113-127

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 113.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 113 [127]. Source : Internet Archive.

pour les recueils de poésies, que nous imprimons à présent, au contraire, en volumes de menues et coquettes dimensions, en in-18 ou in-24[113.1].

Mais l’in-8 ne tarda pas à triompher, et il n’est pas de bibliographe de la première moitié du xixe siècle qui ne le prône et ne le recommande. L’érudit et consciencieux Gabriel Peignot notamment insiste maintes fois sur les mérites de l’in-8 :

« Nous citons de préférence les éditions in-8, écrit-il dans son Manuel du biblio­phile[113.2], parce que ce format, tenant le milieu entre les plus grands et les plus petits, nous paraît le plus décent, le plus convenable, le plus propre à former une bibliothèque qui présente un aspect régulier ; d’ailleurs, l’in-8 est ordinairement imprimé en caractères assez forts pour ne point fatiguer les vues faibles. »

[III.127.113]
  1.  Ludovic Lalanne, op. cit., p. 293. Sur l’influence des livres de petit format, des « livres portatifs » et à bon marché, bien supérieure à celle des coûteux in-folio, Voltaire écrit : « L’inquisition sur les livres est sévère : on me mande que les souscripteurs n’ont point encore le Dictionnaire encyclopédique…. Je voudrais bien savoir quel mal peut faire un livre qui coûte cent écus. Jamais vingt volumes in-folio ne feront de révolution ; ce sont les petits livres portatifs à trente sous qui sont à craindre. Si l’Évangile avait coûté douze cents sesterces, jamais la religion chrétienne ne se serait établie. » (Voltaire, lettre à d’Alembert, 5 avril 1765 : Œuvres complètes, t. VI, p. 720 ; Paris, édit. Du journal le Siècle, 1869.) Cf. aussi P.-L. Courier, Pamphlet des pamphlets : Œuvres, pp. 237 et s. (Paris, Didot, 1865 ; in-18.)  ↩
  2.  Tome II, p. 130.  ↩

Le Livre, tome III, p. 024-038

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 24.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 24 [038]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 25.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 25 [039]. Source : Internet Archive.

moyen de le façonner avec la terre où pourriront nos corps. C’est sur cette ordure qu’on nous imprime, et voilà une fameuse leçon pour l’orgueil de nos constructeurs de monuments ! Ces feuilles, faites avec rien, se décomposent en quelques années, se tachent, s’usent, se déchirent, redeviennent poussière et cendre, et rentrent avec avidité dans le néant dont elles n’auraient jamais dû sortir[024.1]. »

Exposer par le menu les divers procédés employés pour la fabrication du papier dépasserait de beaucoup les limites fixées à notre travail ; nous nous bornerons à résumer les principales de ces opérations, en renvoyant, pour les détails, aux traités et documents spéciaux[024.2].

[III.038.024]
  1.  Paul Stapfer, Des réputations littéraires, Épilogue, Quatre Consolations, t. II, pp. 428-429. (Paris, Fischbacher, 1901.) Cf. aussi Voltaire, la Guerre civile de Genève, poème héroïque, chant IV (Œuvres complètes, t. VI, p. 490 ; Paris, édit. du journal le Siècle, 1869) :
    •  Tout ce fatras fut du chanvre en son temps ;
      Linge il devint par l’art des tisserands,
      Puis en lambeaux des pilons le pressèrent ;
      Il fut papier : cent cerveaux à l’envers
      De visions à l’envi le chargèrent ;
      Puis on le brûle, il vole dans les airs,
      Il est fumée, aussi bien que la gloire.
      De nos travaux, voilà quelle est l’histoire ;
      Tout est fumée, et tout nous fait sentir
      Ce grand néant qui doit nous engloutir.  ↩
  2.  On peut consulter, par exemple, outre les ouvrages de Louis Figuier (1873-1876), Georges Olmer (1882), G. d’Avenel (1900), C.-F. Cross et E.-J. Bevan (1902 : traité des plus récents et des plus complets), déjà mentionnés par nous : Lalande (Joseph-Jérôme Le Français de Lalande, connu surtout comme astronome : 1732-1807), Art de faire le papier (sans lieu ni typographe ni date [1761] ; in-folio, 150 pp., xiv planches) ; — Paul Charpentier, le Papier (tome X de l’Encyclopédie chimique, publiée sous la direction de M. Fremy ; Paris, Dunod, 1890 ; in-8) ; — G.-A. Renel, la Fabrication actuelle du papier : la Nature, 18 janvier et 15 février 1890, pp. 99-103 et 167-170 (deux très bons articles) ; — V. Mortet, le Papier, le Papier au moyen âge : Revue des bibliothèques, 1891, pp. 195-207 ; et 1892, pp. 349-350 ; — Jolivet, Notice sur l’emploi du bois dans la fabrication du papier : Exposition universelle de 1878 (Paris, Imprimerie nationale, 1878 ; in-8, 15 pp.) ; — Philipon, député, Rapport fait au nom de la Commission des douanes chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’établissement du tarif général des douanes : Pâtes de cellulose : Journal officiel, Documents parlementaires, 12 mai 1891, pp. 884-895 ; — Eugène Campredon, le Papier, étude monographique sur la papeterie française, et, en particulier, sur la papeterie charentaise (Paris, Dunod, 1901 ; in-8, 83 pp.) ; — Henry Vivarez, les Précurseurs du papier (Lille, Imprimerie Lefebvre-Ducrocq, 1902 ; in-4, 39 pp.) ; — et les articles « Papier » dans les dictionnaires de Charles Laboulaye, (Dictionnaire des arts et manufactures), Larousse, Bouillet (nouvelle édition refondue sous la direction de MM. J. Tannery et Émile Faguet), etc. ; voir aussi passim : le Magasin pittoresque, la Revue des bibliothèques, le Bulletin du bibliophile, la Revue biblio-iconographique, etc., etc. Pour la fabrication du papier à la forme, j’ai eu recours, en outre, tout particulièrement, à la compétence de M. Gruintgens, des Papeteries du Marais : je le prie d’agréer ici mes remerciements.  ↩

Le Livre, tome III, p. 008-022

Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 8.
Albert Cim, Le Livre, t. III, p. 8 [022]. Source : Internet Archive.

que le papier, probablement inventé par les Chinois, a été introduit en Europe par les Arabes[008.1].

« La découverte, faite par Casiri, à la bibliothèque de l’Escurial, d’un manuscrit arabe sur papier de

[III.022.008]
  1.  « C’est à Saint-Philippe, autrefois Xativa [ou mieux Jativa], que la fabrication du papier fut introduite en Europe par les Arabes, dès leur arrivée en Espagne. » (Ambroise Firmin-Didot, op. cit., col. 705.) « Cette ville de Xativa [Jativa, à 56 kilomètres au sud-ouest de Valence] fut rasée en 1707, après la bataille d’Almanza. Philippe V fit bâtir sur ses ruines une autre ville qu’on nomme à présent San Felipe [Saint-Philippe]. » (Voltaire, Siècle de Louis XIV, chap. xxiii, note : Œuvres complètes, t. II, p. 437 ; Paris, édit. du journal le Siècle, 1867.) « L’usage du papier de coton fut introduit très anciennement en Sicile par les Arabes. » (Ambroise Firmin-Didot, op. cit., col. 670.) Seuls sans doute le papier de chiffon et le papier fait avec certaines plantes, comme le bambou, seraient originaires de Chine. « Il parait que ce fut à la Mecque, vers la fin du viiie siècle, que fut inventé le papier de coton, charta bombycina, cuttunea ou damascena : l’usage s’en répandit promptement en Orient et en Égypte. Au xiie siècle, Eustathe, dans son Commentaire sur l’Odyssée, dit que l’art de faire du papyrus n’était plus pratiqué. En France, Pierre le Vénérable, évêque de Cluny, dit, Dans son Traité contre les Suisses, en 1122 : « Les livres que nous lisons tous les jours sont faits de peau de mouton, de bouc ou de veau, de papyrus ou de papier de chiffon, ex rasuris veterum pannorum… ». En 1189, Raymond Guillaume, évêque de Lodève, donne à Raymond de Popian plein pouvoir de construire sur l’Hérault un ou plusieurs moulins à papier. Dès la fin du xiie siècle, le papier de chiffon devient de plus en plus commun. » (Id., op. cit., col. 729-730, note 4.) Rappelons que, dans son roman les Deux Poètes (Illusions perdues, t. I, pp. 113-118 ; Paris, Librairie nouvelle, 1857), à propos des entreprises et tentatives d’un de ses personnages, l’imprimeur David Séchard, Balzac a succinctement résumé l’histoire du papier.  ↩

Le Livre, tome II, p. 199-215

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 199.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 199 [215]. Source : Internet Archive.

on ne peut mieux. Avant même d’être passée, à peu près tout entière, entre les mains des financiers et brasseurs d’affaires, elle avait encouru bien des reproches.

La Bruyère traite les journalistes, « les nouvellistes », avec le plus profond dédain[199.1].

« J’ai su qu’il n’y a rien à apprendre dans les journaux, écrit d’Alembert[199.2], sinon que le journaliste est l’ami ou l’ennemi de celui dont il parle, et cela ne m’a pas paru fort intéressant à savoir. »

« La presse, il le faut avouer, est devenue un des fléaux de la société, et un brigandage intolérable, » déclare Voltaire[199.3].

« S’ils (les journaux) m’accusaient d’avoir assassiné mon père, disait un jour Chateaubriand (1768-1848)[199.4], je n’essayerais pas de le nier aujourd’hui, parce que demain ils me démontreraient, de quelque façon, que je me suis défait de ma mère aussi, et, sur ma seconde protestation, ils feraient entrevoir, en outre, que j’ai bien un peu guillotiné M. de Malesherbes….

[II.215.199]
  1.  « Le devoir du nouvelliste est de dire : Il y a tel livre qui court et qui est imprimé chez Cramoisy en tel caractère, » etc. (La Bruyère, les Caractères, Des ouvrages de l’esprit, édit. Hémardinquer ; p. 20. Paris, Dezobry, 1849.)  ↩
  2.  Cité par Hémardinquer, dans son édition de La Bruyère, p. 20.  ↩
  3.  Lettre à un membre de l’Académie de Berlin, 15 avril 1752 : Œuvres complètes, t. VII, p. 763. (Paris, édit. du journal le Siècle, 1869.)  ↩
  4.  Ap. Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littéraire, t. II, pp. 422-423).  ↩

Le Livre, tome II, p. 163-179

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 163.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 163 [179]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 164.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 164 [180]. Source : Internet Archive.

fois revenu sur ce point. « En littérature, en poésie, les premières impressions, et souvent les plus vraies et les plus tendres, s’attachent à des œuvres de peu de renom et de contestable valeur, mais qui nous ont touché un matin par quelque coin pénétrant…. Dans l’enfance donc et dans l’adolescence encore, rien de mieux littérairement, poétiquement, que de se plaire, durant les récréations du cœur, à quelques sentiers favoris, hors des grands chemins, auxquels il faut bien pourtant, tôt ou tard, se rallier et aboutir. Mais ces grands chemins, c’est-à-dire les admirations légitimes et consacrées, à mesure qu’on avance, on ne les évite pas impunément ; tout ce qui compte y a passé, et l’on y doit passer à son tour : ce sont les voies sacrées qui mènent à la Ville éternelle, au rendez-vous universel de la gloire et de l’estime humaine[163.1]. »

Et M. Albert Collignon, dans la Vie littéraire[163.2] : « De préférence aux livres anciens, on aime à lire des livres nouveaux. Nous sommes ainsi faits, remarque un critique littéraire[163.3], que, si les formes

[II.179.163]
  1.  Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. I, p. 456-457.  ↩
  2.  Pages 313-314.  ↩
  3.  M. Albert Collignon n’indique pas le nom de ce critique, qui est sans doute Doudan. Voici ce qu’écrivait celui-ci, le 30 septembre 1861, à M. Piscatory : « Les hommes ont sans cesse besoin qu’on leur renouvelle les formes de la vérité. Ils ne comprennent plus ce qu’ils ont entendu trop longtemps. » (Doudan, Lettres, t. III, p. 234 ; Paris, C. Lévy, 1879.) Cf. aussi Sainte-Beuve (Nouveaux Lundis, t. II, pp. 74 et 75) : « Certaines idées sont belles, mais, si vous les répétez trop, elles deviennent des lieux communs…. Les choses justes elles-mêmes ont besoin d’être rafraîchies de temps à autre, d’être renouvelées et retournées ; c’est la loi, c’est la marche. » Notons encore, à propos de la vérité, cette humoristique réflexion de Voltaire (Pensées et Observations : Œuvres complètes, t. IV, p. 753 ; Paris, édit. du journal le Siècle, 1868) : « La vérité, pour être utile, a besoin d’un grain de mensonge ; l’or pur ne saurait être mis en œuvre sans un peu d’alliage ».  ↩

Le Livre, tome II, p. 123-139

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 123.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 123 [139]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 124.
Pour suite de texte et de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 124 [140]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 125.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 125 [141]. Source : Internet Archive.

Épistolaires

Romans

Histoire

[II.139.123]
  1.  Et ses Annales aussi sans doute.  ↩
  2.  Comme Mably, Vertot et Saint-Réal sont présentement bien abandonnés et pourraient être supprimés de cette liste.  ↩
  3.  Nous ajouterions volontiers ici deux autres ouvrages de Voltaire, l’Essai sur les mœurs et le Siècle de Louis XIV, — sans parler du Dictionnaire philosophique, qui aurait immanquablement pris place dans une des sections précédentes. Mais que d’autres historiens mériteraient de figurer aujourd’hui sur cette liste ! Le cardinal de Retz, Saint-Simon, etc. ; et Augustin Thierry, Michelet, Taine, etc. Nous ne manquerions pas non plus d’ajouter aux Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence de Montesquieu, l’Esprit des lois et les Lettres persanes. II est à remarquer, en outre, que nulle mention n’est faite ici ni de Dante, ni de Shakespeare, ni de Rabelais, ni de Jean-Jacques Rousseau, ni de Diderot, tous reconnus aujourd’hui pour des écrivains de premier ordre, mais qui, du temps de Peignot, n’avaient pas obtenu la renommée qu’ils ont acquise depuis.  ↩

Le Livre, tome II, p. 122-138

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 122.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 122 [138]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 123.
Pour suite de texte et de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 123 [139]. Source : Internet Archive.

Poètes dramatiques

Poètes lyriques, bucoliques, didactiques, etc.

[II.138.122]
  1.  Crébillon pourrait être supprimé sans inconvénient.  ↩
  2.  On pourrait encore supprimer sans crainte, dans cette bibliothèque « de choix », Clotilde de Surville, Mme Des Houlières, Gresset, Delille, Thompson (plus généralement Thomson), et même J.-B. Rousseau, tous aujourd’hui bien déchus de leur ancienne gloire.  ↩

Le Livre, tome II, p. 121-137

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 121.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 121 [137]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 122.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 122 [138]. Source : Internet Archive.

Littérature

Poétique

Poètes épiques

[II.137.121]
  1.  Nous ne manquerions pas aujourd’hui d’ajouter ici au moins un nom, celui de Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Nouveaux Lundis, Portraits littéraires, etc.  ↩
  2.  L’Arioste mériterait certainement de prendre place dans cette section, au moins autant que le Tasse et surtout que Voltaire.  ↩

Le Livre, tome II, p. 106-122

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 106.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 106 [122]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 107.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 107 [123]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 108.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 108 [124]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 109.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 109 [125]. Source : Internet Archive.

cile problème que doit résoudre un vrai bibliophile est celui-ci : se faire une excellente bibliothèque avec le moins de livres possible[106.1] ».

Mais quel est, quel peut être le nombre de ces livres, et peut-on le déterminer ?

De temps à autre quelque journal ou une revue s’amuse à demander à ses lecteurs quels sont, rangés par ordre de préférence, leurs vingt ou trente auteurs ou ouvrages favoris. Immanquablement dans les réponses, « snobisme » ou conviction, la Bible arrive en tête[106.2] ; puis défilent, plus ou moins pêle-mêle, Homère[106.3], Virgile, Horace, Cicéron, Dante,

[II.122.106]
  1.  Op. cit., p. 312.  ↩
  2.  Le génial naturaliste et physiologiste et maître écrivain Alphonse Toussenel (1803-1885) était loin de partager cette admiration, sincère ou de commande, pour la Bible. Voici ce qu’il nous dit, tout franchement et crûment : « La Bible, que je n’aime pas, parce que c’est le livre où tous les peuples de proie, le Juif, l’Anglais, le Hollandais et les autres ont appris à lire ; la Bible, qui contient tant de calomnies contre le Créateur ; la Bible a eu, par hasard, une idée ingénieuse à propos de la fouine : elle a prohibé la chair de cet animal, qui se prohibait bien toute seule, sous prétexte qu’il avait la mauvaise habitude de faire ses petits par la bouche…. » (L’Esprit des bêtes, p. 488 ; Paris, Dentu, 1862.)  ↩
  3.  « … Après un excellent dîner, on entra dans la bibliothèque. Candide, en voyant un Homère magnifiquement relié, loua l’illustrissime (Pococurante) sur son bon goût. « Voilà, dit-il, un livre qui faisait les délices du grand Pangloss, le meilleur philosophe de l’Allemagne. — Il ne fait pas les miennes, dit froidement Pococurante ; on me fit accroire autrefois que j’avais du plaisir en le lisant ; mais cette répétition continuelle de combats qui se ressemblent tous, ces dieux qui agissent toujours pour ne rien faire de décisif, cette Hélène qui est le sujet de la guerre, et qui à peine est une actrice de la pièce ; cette Troie qu’on assiège et qu’on ne prend point ; tout cela me causait le plus mortel ennui. J’ai demandé quelquefois à des savants s’ils s’ennuyaient autant que moi à cette lecture : tous les gens sincères m’ont avoué que le livre leur tombait des mains, mais qu’il fallait toujours l’avoir dans sa bibliothèque, comme un monument de l’antiquité, et comme ces médailles rouillées qui ne peuvent être de commerce. — Votre Excellence ne pense pas ainsi de Virgile ? dit Candide. — Je conviens, dit Pococurante, que le second, le quatrième et le sixième livre de son Énéide sont excellents ; mais, pour son pieux Énée, et le fort Cloanthe, et l’ami Achates, et le petit Ascanius… et l’imbécile roi Latinus, et la bourgeoise Amata, et l’insipide Lavinia, je ne crois pas qu’il y ait rien de si froid et de plus désagréable. J’aime mieux le Tasse et les contes à dormir debout de l’Arioste…. Les sots admirent tout dans un auteur estimé. Je ne lis que pour moi ; je n’aime que ce qui est à mon usage. » (Voltaire, Candide, chap. xxv.) Et Georges Avenel, annotateur de Voltaire, ajoute, en tête de ce chapitre xxv, qu’ « on peut considérer les jugements que Pococurante va porter sur la peinture, la musique et la littérature, comme étant l’opinion de Voltaire lui-même sur les mêmes sujets, en 1759. » (Voltaire, Œuvres complètes, t. VI, p. 205 ; Paris, édit. du journal le Siècle, 1869.) Dans son Essai sur la poésie épique, composé en 1726-1733, Voltaire se montre bien moins sévère pour Homère comme pour Virgile :

     « Ceux qui ne peuvent pardonner les fautes d’Homère en faveur de ses beautés sont la plupart des esprits trop philosophiques, qui ont étouffé en eux-mêmes tout sentiment. On trouve dans les Pensées de M. Pascal qu’il n’y a point de beauté poétique, et que, faute d’elle, on a inventé de grands mots comme fatal laurier, bel astre, et que c’est cela qu’on appelle beauté poétique. Que prouve un tel passage, sinon que l’auteur parlait de ce qu’il n’entendait pas ? Pour juger des poètes, il faut savoir sentir, il faut être né avec quelques étincelles du feu qui anime ceux qu’on veut connaître…. Qu’on ne croie point encore connaître les poètes par les traductions : ce serait vouloir apercevoir le coloris d’un tableau dans une estampe. Les traductions augmentent les fautes d’un ouvrage, et en gâtent les beautés. Qui n’a lu que Mme Dacier n’a point lu Homère ; c’est dans le grec seul qu’on peut voir le style du poète, plein de négligences extrêmes, mais jamais affecté, et paré de l’harmonie naturelle de la plus belle langue qu’aient jamais parlée les hommes. Enfin, on verra Homère lui-même, qu’on trouvera, comme ses héros, tout plein de défauts, mais sublime….

     « Cet ouvrage, [l’Énéide de Virgile], que l’auteur avait condamné aux flammes, est encore, avec ses défauts, le plus beau monument qui nous reste de toute l’antiquité…. Je viens à la grande et universelle objection que l’on fait contre l’Énéide : les six derniers chants, dit-on, sont indignes des six premiers. Mon admiration pour ce grand génie ne me ferme point les yeux sur ses défauts ; je suis persuadé qu’il le sentait lui-même, et que c’était la vraie raison pour laquelle il avait eu dessein de brûler son ouvrage. Il n’avait voulu réciter à Auguste que le premier, le second, le quatrième et le sixième livre, qui sont effectivement la plus belle partie de l’Énéide. Il n’est point donné aux hommes d’être parfaits. Virgile a épuisé tout ce que l’imagination a de plus grand dans la descente d’Énée aux enfers ; il a dit tout au cœur dans les amours de Didon ; la terreur et la compassion ne peuvent aller plus loin que dans la description de la ruine de Troie ; de cette haute élévation, où il était parvenu au milieu de son vol, il ne pouvait guère que descendre. Le projet du mariage d’Énée avec une Lavinie qu’il n’a jamais vue ne saurait nous intéresser après les amours de Didon ; la guerre contre les Latins, commencée à l’occasion d’un cerf blessé, ne peut que refroidir l’imagination échauffée par la ruine de Troie. Il est bien difficile de s’élever quand le sujet baisse. Cependant il ne faut pas croire que les six derniers chants de l’Énéide soient sans beautés ; il n’y en a aucun où vous ne reconnaissiez Virgile : ce que la force de son art a tiré de ce terrain ingrat est presque incroyable…. (Voltaire, Essai sur la poésie épique, chap. ii et iii : Œuvres complètes, t. III, pp. 62 et 63 ; Paris, édit. du Journal le Siècle, 1868.)  ↩

Le Livre, tome II, p. 101-117

Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 101.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 101 [117]. Source : Internet Archive.
Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 102.
Pour suite de note : Albert Cim, Le Livre, t. II, p. 102 [118]. Source : Internet Archive.

mille qu’on ne lira jamais, du moins de suite ; mais on peut avoir besoin d’en consulter quelques-uns une fois en sa vie. C’est un grand avantage, pour quiconque veut s’instruire, de trouver sous sa main, dans le palais des rois, le volume et la page qu’il cherche, sans qu’on le fasse attendre un moment. C’est une des plus nobles institutions. Il n’y a point eu de dépense plus magnifique et plus utile.

« La bibliothèque publique du roi de France est la plus belle du monde entier, moins encore par le nombre et la rareté des volumes que par la facilité et la politesse avec laquelle les bibliothécaires les prêtent à tous les savants. Cette bibliothèque est sans contredit le monument le plus précieux qui soit en France.

« Cette multitude étonnante de livres ne doit point épouvanter. On a déjà remarqué[101.1] que Paris

[II.117.101]
  1.  Voltaire lui-même, qui, dans ses Conseils à un journaliste (Œuvres complètes, t. IV, p. 615), écrivait : « Un lecteur en use avec les livres comme un citoyen avec les hommes. On ne vit pas avec tous ses contemporains, on choisit quelques amis. Il ne faut pas plus s’effaroucher de voir cent cinquante mille volumes à la Bibliothèque du Roi, que de ce qu’il y a sept cent mille hommes dans Paris. » Et ailleurs : « … Le fait est que la multitude de livres inlisibles dégoûte. Il n’y a plus moyen de rien apprendre, parce qu’il y a trop de choses à apprendre…. La vue d’une bibliothèque me fait tomber en syncope. » (Voltaire, Critique historique, Lettres Chinoises, XII ; Œuvres complètes, t. V, p. 368.) Cf. encore ce qu’écrit l’abbé Sabatier de Castres (1742-1817) : « La multitude des livres est le seul moyen d’en éviter la perte ou l’entière destruction. C’est cette multiplicité qui les a préservés des injures des temps, de la rage des tyrans, du fanatisme des persécuteurs, des ravages des barbares, et qui en a fait passer, au moins une partie, jusqu’à nous, à travers les longs intervalles de l’ignorance et de l’obscurité…. La multitude prodigieuse des livres est parvenue à un tel degré que, non seulement il est impossible de les lire tous, mais même d’en savoir le nombre et d’en connaître les titres. « On ne pourrait pas lire tous les livres, dit un auteur du dernier siècle, quand même on aurait la conformation que Mahomet donne aux habitants de son paradis, où chaque homme aura 70 000 têtes, chaque tête 70 000 bouches, et chaque bouche 70 000 langues, qui parleront toutes 70 000 langages différents. » (Ap. F. Fertiault, op. cit., p. 283.)  ↩

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