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Un autre des plus beaux exemples qu’on puisse citer de dévouement aux livres, et aussi de souffrance pour les livres, c’est celui du prélat polonais Joseph-André Zaluski (1701-1774), évêque de Kiew (en russe Kiev ou Kief), dont toute la fortune, tout le temps et toutes les forces furent consacrés à rassembler une bibliothèque qui finit par compter 200 000 volumes[240.1]. Jamais, en Europe, un simple particulier n’avait jusqu’alors formé à ses frais une collection aussi considérable. Mais à quel prix ! « Joseph-André était si zélé pour l’agrandissement de sa bibliothèque, dit l’historien Félix Bentkowski[240.2], qu’afin de pouvoir en soutenir les frais et l’enrichir, il prenait sur son nécessaire ; n’ayant fait à midi qu’un repas frugal, il ne mangeait pour son souper qu’un morceau de pain avec du fromage. »
La bibliothèque de Zaluski, qu’il avait généreusement offerte à ses concitoyens, fut ouverte au public en 1745, et devint la « Bibliothèque nationale polonaise » ; mais les Polonais n’en profilèrent que jusqu’en 1795. A cette époque, les Russes s’étant emparés de la capitale de la Pologne, l’ordre fut